La scène avait sans doute été millimétrée, mais elle ne semblait pas dénuée d’une certaine sincérité, ce 29 novembre, à midi. Au centre de la cathédrale, debout sur un piédestal discret, Emmanuel Macron s’est adressé aux artisans et aux mécènes réunis autour de lui. Non sans émotion parfois, le chef de l’État a su équilibrer son discours, rappelant l’essence chrétienne et vivante du monument, tout comme sa dimension universelle. Dont acte. Contester l’intensité probable des sentiments éprouvés par le président de la République à ce moment-là serait déplacé. Au pied du brasier le 15 avril 2019, c’est lui qui avait promis une restauration en cinq ans. Si des échafaudages demeurent encore, si quelques enduits ne sont pas tout à fait secs, son volontarisme s’est montré efficace : Notre-Dame revit, le pari a été relevé. Magistralement.
« Antidote à l’abattement »
Cette prouesse restera sans doute à l’actif de ses deux mandats, et les communicants de l’Élysée n’ont pas manqué d’essayer d’en tirer le meilleur parti : les occasions sont rares… « En retrait depuis l’échec de son camp aux législatives du 7 juillet et déconsidéré aux yeux des siens depuis la dissolution incomprise du 9 juin, Emmanuel Macron pense tenir une revanche. Il s’agit d’un “événement planétaire”, s’enthousiasm[ait] un conseiller de la présidence ravi des images qui circulent déjà », rapporte ainsi Le Monde (30/11). Et pourtant… Sans diminuer la dimension exceptionnelle de cette renaissance, comment ne pas douter de son impact politique ? Cet « antidote à l’abattement » évoqué par Emmanuel Macron, ce « choc d’espérance » promis, risquent fort de ne pas « engrener » dans l’opinion publique, tandis qu’à la crise chronique et multiforme que connaît le pays, se surajoute désormais le spectre d’une paralysie politique complète en cas de motion de censure sur le budget de Michel Barnier.
C’est une expression du lexique électoral américain qui vient à l’esprit : celle de « lame duck », ou « canard boiteux », qui désigne l’état inconfortable du locataire de la Maison-Blanche après l’élection présidentielle, lorsque son successeur a été élu mais n’a pas encore pris ses fonctions. C’est celui que connaît Joe Biden. Mais toutes choses égales par ailleurs, c’est aussi celui que semble connaître Emmanuel Macron, depuis la dissolution du 9 juin. Et ses marges de manœuvre paraissent de plus en plus réduites. « Du côté des bénéfices politiques, il n’y a pas de miracle à attendre de Notre-Dame », grince Libération (30/11).
Alors, quelles perspectives imaginer pour le chef de l’État que l’on voit mal subir sans réagir la seconde partie de son mandat, dans un contexte intérieur et international aussi explosif ? Dans Le Figaro (30/11), Agnès Verdier-Molinié imagine un scénario après tout vraisemblable. Et si, en cas de blocage – des institutions – dans l’hypothèse par exemple d’une motion de censure adoptée – Emmanuel Macron décidait d’utiliser l’article 16 de la Constitution ? « Au lieu d’acculer le président à la démission, une obstruction systématique sur le budget 2025 pourrait pousser de facto le président de la République à faire jouer les pleins pouvoirs pour adopter lui-même le budget 2025 avant la fin de l’année », avance la directrice de l’iFRAP. De la politique-fiction ? Pas si sûr…