Quel est l’état d’esprit des habitants de Bethléem avant ce Noël si particulier ?
Les gens ne s’attendaient pas du tout à ce qui s’est passé le 7 octobre, et ils redoutaient d’en subir les conséquences. Il y a donc beaucoup d’inquiétude, et beaucoup de tristesse. Les célébrations de Noël se font à « bas bruit », dans une grande discrétion. C’est ce qu’ont souhaité les responsables des confessions chrétiennes, en Israël comme en Palestine, en raison des circonstances. A Bethléem, comme dans les communes environnantes, il n’y aura pas cette année de sapins illuminés sur les places, comme c’est la tradition en cette période. La basilique de la Nativité et l’église Sainte-Catherine sont très joliment décorées – la nef, le chœur, le cloître… – mais rien des festivités de Noël ne filtre à l’extérieur. Ce qui ne veut pas dire que les chrétiens de Bethléem ne vivent pas intensément ce temps de l’Avent, en famille et lors des offices, qui sont tous maintenus. La messe de minuit aura bien lieu le 24 décembre, à Sainte-Catherine comme dans la grotte de la Nativité. Je constate même que la fréquentation des églises a augmenté depuis le début de la crise. Beaucoup de chrétiens viennent y chercher un réconfort et, surtout, prier pour la paix. Ils vivent profondément ce Noël, dans toute sa dimension spirituelle, sur la terre qui a vu naître le Christ.
Peuvent-ils contribuer à rétablir la paix en Terre Sainte ?
On le dit souvent : les chrétiens sont sans doute les seuls à pouvoir créer des ponts entre les Israéliens et les Palestiniens aujourd’hui. Par le message que le Christ nous a demandé de diffuser : « Aimez-vous les uns les autres » ; « Aimez-vous comme je vous ai aimés »… Ce n’est pas rien ! Sans oublier qu’Il nous invite au pardon – ce qui est essentiel pour créer des ponts. Étrangement quand on songe à ce qui passe en Palestine, Bethléem reste un havre de paix, relativement préservé malgré les difficultés. Et notre hôpital est un havre de paix pour les mamans qui viennent y accoucher.
Vous y fêtez Noël ?
Bien sûr ! Compte tenu des événements, nous n’avons pas fait, nous non plus, de sapin de Noël mais nous avons fait la crèche. Elle est dans les couloirs de l’hôpital et tout le monde est très content, chrétiens ou musulmans, qu’on marque ce temps de l’Avent en refaisant la grotte de la Nativité et en y remettant la Sainte Famille. Pendant toute cette période, l’hôpital vit au rythme des célébrations de Noël, du premier dimanche de l’Avent jusqu’au 6 janvier – date du Noël orthodoxe. Les Arméniens le fêtent même le 19 janvier à Jérusalem !
Économiquement, quelle est la situation ?
Difficile car l’économie de Bethléem est fondée sur le tourisme religieux. Or, depuis le 7 octobre, toutes les frontières sont fermées. Nous n’avons plus la même liberté de mouvement qu’avant la crise. Il n’y a plus de pèlerins. Toute l’activité qui tourne autour du tourisme religieux (notamment les hôtels, les restaurants) est réduite à zéro. Les gens puisent dans leurs économies mais leur bas de laine aura fondu d’ici peu. La population est « résiliente », comme on dit, mais chacun aspire à revenir à une vie normale.
Combien y a-t-il de chrétiens à Bethléem ?
Environ 10 à 12% environ sur une population de 200 000 habitants dans le gouvernorat (l’équivalent d’un département en France). Le risque est que les chrétiens qui en ont encore les moyens quittent la Terre Sainte pour aller vivre ailleurs. Pour assurer l’avenir de leurs enfants – ce qui est au demeurant bien compréhensible. Leur émigration a commencé dès le XIXe siècle, elle s’est poursuivie tout au long du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui. La tentation est grande, pour beaucoup, de rejoindre les familles de la diaspora déjà installées à l’étranger.
Noël à Bethléem
Site internet de la maternité de la Sainte-Famille à Bethléem.