Quel a été le grand combat des catholiques sociaux comme Albert de Mun, Léon Harmel ou Frédéric Ozanam ?
Frère Jean-Marc Miele : Il a été de faire prévaloir que l’homme est une personne et non pas un « individu » isolé comme le veut le libéralisme économique. Ce faisant, ils ont évité au XIXe siècle le surgissement, en France, d’une révolution de type bolchevique ou anarchiste. Car jamais la condition ouvrière n’était tombée aussi bas. L’ouvrier avait pourtant toujours été respecté – et valorisé – depuis que le christianisme avait apporté la noblesse du travail manuel, notamment par la vie monastique, et que les corporations permettaient aux ouvriers de se retrouver en communautés. Mais la Révolution française, portée en partie par les libéraux, est venue supprimer ces corporations (loi Le Chapelier, 14 juin 1791) et a fait de l’ouvrier un prolétaire, un esclave des temps modernes. Il n’y avait jamais eu de conflits sociaux majeurs en huit siècles d’Ancien Régime, alors que le XIXe siècle en est parsemé…
Dans quelle mesure leur combat est-il encore d’actualité ?
La question sociale est toujours là. Le grand danger de la conception libérale de la société, qui nie la dimension sociale de l’homme, n’a pas disparu : l’homme serait foncièrement individualiste et urait pour seul instinct de gagner le plus d’argent possible. Dès lors, le seul moteur de l’économie est l’égoïsme. Les catholiques doivent se mobiliser contre cela.
De quelle façon ?
Cela peut être le combat pour la défense du repos dominical, par exemple. Mais je dirais que le grand combat de notre temps est celui de la famille : depuis la Révolution, les libéraux l’ont en horreur, comme toutes les formes d’engagement à vie. Or, le premier lieu où l’homme et la femme font communauté, c’est la famille.