C’est un mini-séisme au cœur de l’Europe que vient de provoquer le jeune vice-président américain, James David Vance, 40 ans, lors de son intervention à Munich pour la conférence annuelle sur la sécurité internationale. Il s’agit d’une de ces secousses qui font bouger les lignes : alors que le parterre d’élites européennes l’attendait sur l’Ukraine, il a choisi de questionner frontalement, et en profondeur, l’Union européenne, d’inspiration démocrate-chrétienne, sur le terrain de ses valeurs fondamentales.
Ce qui menace avant tout la sécurité des Européens, a-t-il affirmé, n’est pas d’abord la guerre sur leur sol, mais l’abandon de leurs propres valeurs, au premier rang desquelles figurent la liberté de pensée et la liberté de religion. Prenant pour exemple la condamnation en octobre 2024, en Grande-Bretagne, d’un homme ayant prié en silence non loin d’un centre d’avortement.
Converti à la foi catholique depuis peu, JD Vance est un lecteur de saint Augustin, dont il a reconnu l’influence sur son chemin de foi et sur ses idées politiques. C’est également l’évêque d’Hippone, auteur de la Cité de Dieu, qui avait guidé le pape Benoît XVI en 2011, lors de sa magistrale leçon politique devant le Parlement allemand, 500 km plus au nord. Celui qui avait été précédemment archevêque de Munich avait alors interrogé ses compatriotes sur la source de la justice, citant saint Augustin : « Enlève le droit – et alors qu’est-ce qui distingue l’État d’une grosse bande de brigands ? »
Le droit et la culture européenne, pour le prédécesseur du pape François, tiennent en effet leur source de la rencontre entre Jérusalem – la foi au Dieu d’Israël –, Athènes – la philosophie – et Rome – la pensée juridique. C’est cette triple rencontre qui, selon Benoît XVI, « fonde l’identité profonde de l’Europe » et constitue le fondement des droits de l’homme et de la démocratie. Dès lors, le critère de la majorité des votes ne peut suffire, affirmait-il, lorsque la dignité intrinsèque de l’homme – sa vie – est en jeu.
Pour le pape allemand, il faut donc réhabiliter un principe supérieur, qui s’impose à tous : le droit naturel, cette loi « inscrite dans le cœur » de chaque être humain selon saint Paul (Rm 2, 14), hélas reléguée au ban de l’histoire depuis la Révolution française. « L’homme aussi, soulignait encore le pape, possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. (…) L’homme ne se crée pas lui-même. »
Menace islamiste
Coïncidence : c’est également à Munich que s’est produit, la veille du discours de JD Vance, un attentat à la voiture-bélier, faisant deux morts, une petite-fille de 2 ans et sa mère, et 37 blessés. Selon les autorités, le suspect a agi pour des motifs religieux et islamistes. Il y a donc urgence, en effet, que l’Europe retrouve son identité chrétienne, qui avait été niée lors du projet de Constitution européenne en 2005. Vingt ans plus tard, la volonté des évêques français de se constituer comme partie civile dans le procès de l’attentat à la basilique de Nice, qui avait fait trois morts, constitue un élément positif. Les évêques ont considéré en effet que le christianisme était visé en tant que tel dans cette attaque à caractère islamiste. C’est toujours l’ennemi qui nous permet le mieux de définir ce que l’on est et ce que l’on croit.