Paradoxe ô combien symbolique ! Le lendemain même de la mort de Vaclav Havel, figure de la lutte contre le totalitarisme, on apprenait celle du tyran nord-coréen Kim Jong-il dont le régime constitue jusqu’à la caricature ce qu’il y a de pire dans le cauchemar communiste. Le rapprochement entre les deux hommes met aussi en évidence l’opposition vertigineuse des caractères et des convictions. Dans la généalogie de la nomenklatura totalitaire, un type de dirigeant s’est trouvé consacré avec la brutalité policière, l’insensibilité bureaucratique, l’aplatissement désespéré des finalités et des valeurs de civilisation. A l’opposé, l’aventure d’un Vaclav Havel nous a permis d’assister à l’émergence d’un écrivain et d’un artiste qui ne se sentait aucune appétence pour le pouvoir. Victime désignée d’un système acharné à pourchasser les petits bourgeois de son espèce, il opposait au nihilisme du régime sa révolte dans un style qui fait penser à Camus et à Ionesco. Son sens de l’absurde n’en faisait pas un résigné. On le vit bien lorsqu’il devint un des porte-parole du mouvement de la charte 77 qui se dressait contre l’écrasement qui avait suivi le fragile Printemps de Prague. Rien n’avait préparé cet intellectuel à assumer les responsabilités du pouvoir. Il s’agissait pour lui d’un exercice d’autant plus périlleux que sa conception du politique le mettait, par définition, en délicatesse par rapport à ce qu’il y a d’étranger à la marginalité du penseur dans la logique institutionnelle. Dissident, il combattait de toutes ses forces l’écrasement inhumain du système lénino-stalinien, mais il critiquait aussi les failles du libéralisme occidental, dont il ne pouvait approuver le consumérisme et la démarche purement procédurale. C’est vrai que les responsabilités pratiques obligent à des compromis qui ne s’accordaient pas à sa personnalité. Il trouvera des successeurs qui n’auront plus ses réserves de militant impénitent. Avec lui, disparaît un des personnages emblématiques de la transition de la fin du XXe siècle. Il mérite de rester dans la mémoire des nouvelles générations comme un exemple de générosité et d’indépendance à l’encontre de toutes les menaces sur l’intégrité de l’homme et la fraternité. Pour aller plus loin :Le TyranQuand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanitéLiberté d’expression – sous le boisseauVainqueur de la haineENSEIGNEZ-NOUS FRÈRES DE L’EST
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