Michel-Ange, amoureux de la divine beauté - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Michel-Ange, amoureux de la divine beauté

Image :
Tondo Doni, Sainte Famille à la Tribune, 1506, Michel-Ange, galerie des Offices, Florence, Italie.

Michel-Ange, amoureux de la divine beauté

460 ans après sa mort, Michel-Ange (1475-1564) règne toujours en génie et précurseur inégalé. Sculpteur, peintre, architecte, poète : il incarne l’artiste complet. À travers sa quête de la beauté parfaite, il fut aussi, et surtout, un chercheur de Dieu.
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«Je suis Celui qui fit, dès tes primes années,/tes yeux ingénus se tourner vers la beauté/Qui, de la terre au Ciel, tout vivant vous élève. » Dans ces vers, issus de ses poèmes, Michel-Ange, faisant parler Dieu, évoque sa soif absolue de beauté, derrière laquelle, de plus en plus, il discernera l’appel de Dieu. Cette soif, qui a irrigué et orienté toute son œuvre, est la principale clé de lecture de cet artiste hors du commun dont l’art, cherchant « à lier le beau et le bien », est « comme l’ombre des perfections divines », écrit Henri Charlier (1883-1975), lui-même peintre et auteur d’essais sur l’art (L’Art et la Pensée, 1972).

En plein Quattrocento – l’âge d’or de la Renaissance italienne –, Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni naît, en 1475, dans une famille pauvre de Caprese, près de Florence. Après avoir perdu sa mère à l’âge de 6 ans, il quitte sa famille et l’école à 12 ans, pour assouvir sa passion du dessin et réaliser son rêve, en entrant à l’atelier du célèbre peintre Ghirlandaio. Deux ans plus tard, ce dernier l’envoie auprès de Laurent de Médicis – le Magnifique –, mécène éclairé et tyran politique de Florence.

Ce grand amateur d’art cherche alors de jeunes sculpteurs prometteurs pour copier, dans son école d’artistes, des statues romaine et grecque, que la Renaissance redécouvre avec fascination. Située dans les jardins du couvent San Marco, les Médicis y ont réuni leur collection de statuaire antique, pour former une académie, véritable petit centre du monde artistique et intellectuel. Le jeune apprenti de 14 ans y devient élève de Bertoldo di Giovanni, lui-même élève du grand Donatello. Il se définira désormais toujours comme un sculpteur. Le Magnifique est conquis par son talent précoce et en fait son protégé. En ce lieu d’élite, l’adolescent reçoit aussi l’enseignement humaniste de la philosophie néoplatonicienne, avec Jean Pic de la Mirandole et Marsile Ficin.

À la même époque, Michel-Ange entend les prédications enflammées de Savonarole, prieur du couvent dominicain San Marco. « Il vit le petit et frêle prédicateur, que dévorait l’Esprit de Dieu, écrit Romain Rolland, dans sa Vie de Michel-Ange (1908). Il fut glacé d’effroi par la terrible voix qui, de la chaire du Duomo, lançait la foudre sur le pape, et suspendait sur l’Italie le glaive sanglant de Dieu. Florence tremblait. Les gens couraient dans les rues, pleurant et criant comme des fous. […] Le frère aîné de Michel-Ange, Lionardo, se fit dominicain. » Cette prédication est appliquée en actes lors des « bûchers des vanités » de livres et œuvres impies. Sous cette double influence, le jeune artiste s’orientera de plus en plus vers les sujets religieux.

Virtuosité technique

En 1496, quelques œuvres ont déjà assis sa notoriété, lorsqu’un cardinal français lui commande, à Rome, une pietà. Le résultat est le prodige de marbre et de divin que le monde entier connaît encore, et qui fascinait ses contemporains. Ce sera son plus grand chef-d’œuvre et, oserait-on dire, l’un des plus grands créés de main d’homme. Il n’a que 24 ans lorsqu’il l’achève, en 1499.

En 1501, de retour à Florence, il reçoit la commande d’une statue de David, vainqueur de Goliath, dans un immense bloc de marbre déjà entamé, en faisant un véritable défi technique et esthétique, qu’il relève avec virtuosité. Achevée en 1504, la statue est installée sur la place principale de Florence, devenant l’emblème de la ville. La représentation d’un corps si vivant et souple dans la pierre morte et dure sidère ses contemporains. La quête esthétique de toute son œuvre est inspirée de l’esthétique néoplatonicienne, qui voit dans « le monde visible […] le reflet tremblant du monde invisible », considérant « la beauté comme l’ombre et le pressentiment de la grandeur ineffable de Dieu », précise Michel de Jaeghere, dans l’éditorial du Figaro Hors Série consacré à Michel-Ange. Ainsi, Michel-Ange offre, par son art, une synthèse du néoplatonisme et du christianisme. Il cherche, à travers la perfection anatomique de la représentation des corps, à révéler l’homme « comme le cœur et le sommet de la Création, parce que, seul parmi les créatures, il avait été doté d’une âme immortelle qui faisait de lui l’image réfractée du Créateur », s’enthousiasme Michel de Jaeghere.

« Michel, Ange divin »

À la même époque, il peint la célèbre Sainte Famille à la Tribune – le Tondo Doni – pour un riche marchand, et réalise d’autres œuvres religieuses, peintes et sculptées. Il est réclamé pour d’innombrables projets de sculptures, peintures et architecture, pour la plupart à Florence et à Rome – dont beaucoup resteront à l’état de projet ou d’ébauche, faute de temps, d’argent ou en raison de conflits politiques. Mais tout ce qu’il mène à bien est prodigieux. Le poète l’Arioste, dans son Roland furieux (1516), lui dédiera ce vers : « Michel, plus qu’un mortel, Ange divin. » Malgré la gloire qui l’auréole, l’artiste demeure conscient de la faiblesse de sa nature, de ses fautes, de son violent combat intérieur entre la tentation de la chair et le désir du Ciel… « Je cherche, hésitant, mon salut. Entre le vice et la vertu, mon cœur confus me trouble et me harcèle. »

La beauté est son chemin vers Dieu, dans lequel il reconnaît, de plus en plus, celui qui en est la source : « Tout esprit bien fait est attiré par la beauté et monte à sa suite jusqu’au ciel. Une bonne peinture n’est rien d’autre qu’une copie de la perfection de Dieu », note-t-il. En pleine Renaissance humaniste, sa vie spirituelle s’approfondit.

En 1505, Michel-Ange est appelé par le pape Jules II della Rovere à Rome, pour participer, avec les plus grands artistes de son temps, à la rénovation du pouvoir politique et spirituel de l’Église. Cet ambitieux mécène commence par lui commander un mausolée, pharaonique. Finalement, en 1506, le pontife décide de se concentrer sur d’autres projets et met un frein au projet. Furieux, l’artiste repart à Florence. Malgré leur réconciliation, un an plus tard, leurs relations demeureront houleuses. Après moult péripéties, Jules II demande à Michel-Ange de peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Il est inauguré en 1512, quelques mois avant la mort du pape. Après sa mort, à la demande des héritiers, Michel-Ange reprend ses ciseaux pour sculpter son tombeau – dont le projet sera finalement réduit à une unique façade, en dépit des menaces des della Rovere – pour lequel il réalise un Moïse jupitérien. En 1536, Paul III le libère de ses engagements avec eux par un motu proprio ! C’était pour mieux lui confirmer la commande du Jugement dernier, pour achever la Sixtine. Puis, en 1542, il lui commande deux fresques pour sa chapelle privée (chapelle Pauline) : la Conversion de saint Paul et le Martyre de saint Pierre.

« Dieu m’a incendié le cœur »

En vieillissant, Michel-Ange comprend qu’en cherchant la beauté, il a, malgré lui, fait de l’art son dieu. « Je sais combien la trompeuse passion, qui m’a fait prendre l’Art pour idole et monarque, était lourde d’erreur… » Il sait désormais que « peindre ni sculpter n’ont plus le pouvoir d’apaiser [son] âme, orientée vers ce divin amour qui, pour nous prendre, sur la Croix ouvrit les bras ». Son âme de géant, avide et torturée, devient si ardente qu’il évoque Dieu comme celui qui lui a « incendié le cœur » et l’a « voué à brûler ». Dans cette Renaissance qui humanise le divin, Michel-Ange est un artiste « si différent de ses contemporains » que son « œuvre est tout entière extrêmement pure et, bien que dévorée d’un zèle ardent et presque douloureux pour cette perfection inaccessible en cette vie, elle garde une paix qui lui vient de la noblesse même de cette enquête acharnée » (Henri Charlier).

À partir de 1546, Michel-Ange est nommé architecte de la basilique Saint-Pierre. Il en réalise notamment le plan et le somptueux dôme. Ce chantier sera la préoccupation centrale de la fin de sa vie. Il s’y consacre pour la gloire de son divin Maître, refusant tout salaire et vivant comme un pauvre. À l’image de cette ultime mission, sa vie s’oriente de plus en plus vers le Ciel. « Il n’existe aucune de mes pensées où la mort ne soit pour ainsi dire sculptée… » Il prépare son âme à la grande rencontre espérée, priant ainsi Dieu : « Que ton sang seul atteigne et lave mes péchés, qu’il abonde, à mesure que croît mon grand âge, en assistance prompte et pardon plénier. »

Âgé de près de 89 ans, ce grand amoureux pénètre enfin, le 18 février 1564, dans la Beauté infinie tant désirée… Il est enterré à Florence comme un prince, dans la basilique Santa Croce. « Tends-moi, Seigneur, à l’heure ultime, tes bras miséricordieux : qu’à moi-même arraché, je complaise à tes yeux. » Sans doute l’Auteur de toute beauté aura-t-il accédé à cette humble demande de l’artiste qui l’a si ardemment cherché et servi… « La mort n’est pas ce pire mal, comme on le croit, pour celui dont le dernier jour est le premier jour auprès du divin trône », avait-il écrit.