Mgr Calvet portraitiste de la France catholique - France Catholique
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Année sainte 2025 : la porte de l'espérance
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Mgr Calvet portraitiste de la France catholique

Ce prélat trop méconnu mérite d’être redécouvert. Il laisse une œuvre abondante sur la littérature française et des portraits, qui témoignent de sa grande érudition et d’une belle finesse psychologique.
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Vue aérienne de Castelnau-Montratier (Lot).

Castelnau-Montratier (Lot), village natal de Mgr Jean Antoine Calvet.

© Fafa46 / CC by-sa

Né en 1874 à Castelnau-Montratier (Lot), dans une famille paysanne, Jean Antoine Calvet est mort à Sèvres le 26 janvier 1965. Le lendemain de sa disparition, Michel Guy écrivait dans Le Figaro : « Sous sa direction, la vie de l’Institut catholique de Paris [dont il était le recteur, NDLR] prit une nouvelle impulsion. Il fonda trois chaires : d’histoire religieuse, de spiritualité chrétienne inaugurée par Étienne Gilson, et de civilisation française. Mais sa grande innovation fut la création de l’université féminine… »

De Guynemer au cardinal Suhard

Officier de la Légion d’honneur, lauréat du « Prix de la plus grande France » décerné par l’Académie française en 1939 – pour La Littérature religieuse de saint François de Sales à Fénelon –, il laissait une œuvre abondante. Dans son Visages d’un demi-siècle, publié en 1959, il brosse d’une plume alerte les portraits de personnes que les hasards ou les devoirs de la vie ont mis devant ses yeux : on y retrouve Jean Aicard, l’auteur du roman Maurin des Maures, Mgr Pierre Batiffol, qui fut recteur de l’Institut catholique de Toulouse, le cardinal Baudrillart, qui fut avant lui recteur de l’Institut catholique de Paris, le maréchal Foch, Guynemer, Jaurès et son assassin, le maréchal Pétain, le cardinal Suhard…

On lui doit aussi une biographie de saint Vincent de Paul, et sa monumentale Histoire de la littérature française –  dix volumes ! – est à l’image de celle de Sainte-Beuve : beaucoup plus qu’une histoire littéraire, une véritable histoire de France. On dirait de Mgr Calvet qu’il fut au XXe siècle ce que fut Sainte-Beuve au XIXe siècle, avec cette supériorité qu’il était en contact permanent avec la jeunesse et que c’était un homme de foi.

Une plume fine et pénétrante

Avant l’Institut catholique, il fut pendant quinze ans professeur au lycée Stanislas, et c’est là qu’il connut non seulement Guynemer mais aussi celui dont il ne veut pas donner le nom pour ne faire pas souffrir cet ami et qu’il appelle Éliacin, comme le jeune héros d’Athalie : l’assassin de Jaurès. Les faits dramatiques – ou parfois risibles – qu’il évoque sont décrits d’une plume fine, pénétrante et claire, qui nous rend très présents les personnages et aussi dévoile la psychologie de l’observateur. Son style, qui ressemble à celui d’Anatole France, est clair et simple, et son érudition, d’une ampleur étonnante, n’est jamais pesante.

« Bachelier prétentieux »

Son livre de souvenirs commence par ces mots : « En 1893, j’étais un bachelier prétentieux qui entrait au grand séminaire de Cahors pour réconcilier l’Église et le siècle, suivant la formule alors à la mode. » S’il a publié en 1907 une biographie de Gustave Morel, l’un des pionniers de l’œcuménisme, et, en 1922, Le problème catholique de l’union des Églises, c’est que lui-même fut à l’origine de ce mouvement. Considéré comme « moderniste » au début du XXe siècle, il fut ensuite qualifié de réactionnaire et de pétainiste alors qu’il suivit tranquillement sa voie, appuyé sur les deux réalités qui guidaient sa vie : sa foi et sa raison, avec une liberté de ton et une délicatesse d’âme qui l’ont fait triompher de tous ces obstacles.

On peut dire que le « bachelier prétentieux » a tenu parole. Il a fait plus que réconcilier l’Église et le siècle : il a montré comment l’Église fut la mère de nos maîtres et de notre civilisation. Et brossé le tableau de la France catholique au travers des siècles, qui n’est autre que la France tout court.