Il n’y a rien de plus troublant qu’un éminent esprit professant une sottise avec autorité. À moins d’une confiance démesurée en soi, on se dit aussitôt que l’on a mal compris, que l’on est trop stupide pour comprendre la force de l’argument. Mais intuitivement, nous sentons que quelque chose sonne faux.
Argument d’autorité et formules sibyllines
Il y a quelques années, Stephen Hawking – ce physicien si attachant qui force l’admiration, tant par ses travaux que par son abnégation face à la maladie – écrivit ces mots assez stupéfiants : « Parce qu’il y a des lois comme la gravité, l’univers peut et doit se créer lui-même à partir de rien. »
Ces paroles avaient-elles un but marketing ? Rien ne vaut, bien sûr, une citation polémique pour vendre des ouvrages de vulgarisation au prix fort. Mais il est peu probable qu’Hawking ne pensait pas ce qu’il disait. D’où la suite de la citation : « La création spontanée est la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, pourquoi l’univers existe, pourquoi nous existons. Il n’est pas nécessaire d’invoquer Dieu pour appuyer sur la touche “on” et faire démarrer l’univers. »
Aussitôt, des athées se découvrirent une véritable passion pour l’argument d’autorité. Un élève vint m’annoncer triomphalement que la science avait démontré l’inutilité de Dieu pour expliquer l’univers. Si un des plus grands scientifiques des temps modernes l’avait dit, ce devait être vrai, ou du moins très probable.
Cependant, malgré l’avertissement de Pascal : « Les athées doivent dire des choses parfaitement claires », Stephen Hawking emploie des formules bien sibyllines. Que peut bien signifier un univers qui se crée lui-même à partir de rien ? Peut-on parler de lois de la nature s’il n’y a rien qui existe ? Quelle est cette touche « on » qui n’existe pas mais sur laquelle on appuie ? Décidément, plus on y réfléchit, moins on comprend.
Des scientifiques à notre secours
Heureusement, un argument d’autorité peut être annulé par un autre argument d’autorité, et d’autres éminents scientifiques nous secourent en montrant l’inconsistance d’une telle idée. Ainsi, John Lennox, professeur émérite de mathématiques à l’université d’Oxford, conteste la légitimité de Stephen Hawking à s’exprimer sur le sujet : « Einstein a un jour déclaré que les scientifiques faisaient de piètres philosophes. Je suis au regret de dire que Stephen Hawking, aussi brillant qu’il ait été dans son domaine, présentait effectivement ce défaut. Il avait affirmé qu’il n’y a nul besoin de Dieu pour expliquer la création de l’univers. Son ami, l’Anglais Martin Rees, baron de Ludlow et Astronomer Royal, a réagi à cette affirmation à la demande du journal The Guardian : “Je connais assez Stephen Hawking pour savoir qu’il n’a lu que peu de philosophie et encore moins de théologie, donc je ne crois pas qu’il faille accorder beaucoup de crédit à ses opinions sur le sujet”. »