Les détracteurs de Lourdes ne manquent pas d’imagination. En 150 ans, les hypothèses pour nier le caractère surnaturel des apparitions se sont multipliées. Naturellement, on a supposé que Bernadette était folle, qu’elle affabulait, que l’Église avait conçu une imposture lucrative, que les guérisons spectaculaires s’expliquaient par le “subconscient”, etc. Vittorio Messori a réfuté magistralement certaines de ces hypothèses dans son Bernadette ne nous a pas trompés (Marie de Nazareth, 2023). Depuis peu, une nouvelle idée apparaît : les guérisons de Lourdes, bien réelles, ne sont que des guérisons spontanées telles qu’on peut en trouver dans les hôpitaux.
L’objection consiste à imputer astucieusement le nombre impressionnant de guérisons à Lourdes à un simple effet statistique. En effet, il est bien établi que des cas de rémissions spontanées existent dans les hôpitaux. Mais, comme elles sont dispersées un peu partout dans le monde, on ne les voit pas. Tandis qu’à Lourdes, les malades étant regroupés en très grand nombre, les guérisons sont plus visibles, mais ne seraient pas plus fréquentes. Si l’on dénombre, dans le monde, une guérison spontanée pour 300 000 cas, il est normal qu’à Lourdes, où se retrouvent des millions de pèlerins, il y ait de temps à autre des rémissions.
Première faille
On peut déjà apercevoir une première faille dans ce raisonnement : il ne peut fonctionner qu’à la condition que les foules soient venues nombreuses à Lourdes avant même qu’il y ait des guérisons miraculeuses. Or, celles-ci ont commencé dès les apparitions, bien avant qu’on y compte des millions de pèlerins. Ces miracles ont été dûment constatés par des médecins qui n’étaient ni plus bêtes ni plus crédules que nos médecins actuels, et tout à fait capables de reconnaître une tuberculose avancée guérie subitement. Ce sont ces guérisons qui ont établi la solide réputation de Lourdes, où les foules ont commencé à affluer. En clair, ce n’est pas parce qu’une multitude de pèlerins s’est rendue, on ne sait pourquoi, à Lourdes qu’il y a eu des miracles, mais c’est parce qu’il y a eu des miracles que les foules s’y sont rendues.
Deuxième faille
Par ailleurs, une règle d’or en statistique est de s’assurer que l’on ne compare pas des carottes et des navets. Or, les guérisons spontanées, même étonnantes, ne sont pas vraiment comparables aux miracles de Lourdes. En effet, pour une étude statistique solide, il faudrait étudier des populations équivalentes, des maladies semblables et des guérisons similaires. Or, la comparaison ne tient sur aucun de ces points.
Tout d’abord, le taux de guérison n’est pas le même. Entrons dans une ennuyeuse, mais nécessaire, querelle de chiffres. Les sceptiques s’appuient sur un livre recensant tous les cas de guérisons spontanées à l’hôpital en 128 ans. La majorité des cas rapportés dans ce livre sont des cancers, que la commission compétente écarte systématiquement à Lourdes, car pas assez probants. En les soustrayant des calculs, pour une juste comparaison, on arrive à une guérison spontanée à l’hôpital pour 330 000 malades environ.
Le sanctuaire de Lourdes, de son côté, accueille chaque année 2 à 6 millions de pèlerins, dont 50 000 à 65 000 malades recensés. Bien sûr, certains malades ne sont pas recensés, mais d’autres sont venus des dizaines de fois. Si l’on suppose ce chiffre constant sur 150 ans, cela conduit à une guérison officielle pour 150 000 malades. Soit, quand même, deux fois plus qu’à l’hôpital. Et, juste après les apparitions, la proportion est encore bien plus frappante : l’étude historique du Dr Mongapian comptabilise une guérison – déclarée – pour 100 malades (Les Guérisons de Lourdes, étude historique et critique depuis l’origine à nos jours, 1994). Certes, il y avait sans doute des “miracles” fantaisistes, mais on a très tôt vérifié de façon rigoureuse leur authenticité.