L’homme n’est-il qu’un animal un peu plus malin ? - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

L’homme n’est-il qu’un animal un peu plus malin ?

S’il reconnaît une valeur aux animaux, le christianisme postule une distinction radicale entre l’homme et l’animal. Cette idée est-elle compatible avec la science ?
Copier le lien

© JosieLapczynski /Pixabay

Cela fait maintenant plusieurs décennies que de nombreuses observations ont mis en évidence les capacités cognitives des animaux. Dès les années 1970, on s’aperçut des aptitudes étonnantes des chimpanzés, par le biais d’expériences décisives comme celle décrite par Florence Eibl, dans L’homme, un animal comme les autres ? (Mame, 2010).

Celle-ci fut réalisée avec Sarah, « l’un des chimpanzés vedettes de l’histoire de la psychologie animale ». On montrait à cette guenon « des séries de deux diapositives représentant deux états successifs du même objet : une pomme, puis deux demi-pommes ; une éponge sèche, puis une éponge mouillée ; une page blanche, puis une page écrite ». Après chaque paire, Sarah devait compléter la série en choisissant entre trois ustensiles : un couteau, un bol d’eau, un crayon. Or la petite guenon désignait systématiquement le bon outil. Par exemple, le couteau après la pomme coupée. Mais le plus troublant apparut lorsqu’on présenta à Sarah une série à l’envers : on lui montra deux demi-pommes, puis une pomme entière. Elle se comporta de façon originale en choisissant comme outil… du ruban adhésif ! Sarah avait sans doute pu voir quelqu’un couper une pomme, mais elle n’avait probablement jamais observé quelqu’un essayer de la recoller avec du Scotch. Ce chimpanzé s’avérait donc capable de faire des « raisonnements », en créant des combinaisons originales entre des « idées ».

Depuis, les observations se sont multipliées et ont montré l’aptitude des dauphins, des pieuvres ou des corbeaux de Calédonie à résoudre des énigmes, à utiliser des outils, à coopérer, etc. Sans oublier les exploits d’Alex le perroquet et de Kanzi le bonobo, capables de construire des « phrases » à l’aide d’un ordinateur.

Après de telles observations, parfois mises en scène sans discernement dans des reportages, quiconque voudrait établir une distinction nette entre l’homme et l’animal serait immédiatement suspecté, au mieux d’ignorer la science, au pire de vouloir « rabaisser » les animaux pour mieux les « exploiter ». Dès lors, comment conserver cette idée chrétienne que seul l’homme a une dignité infinie et que les animaux, aussi attachants soient-ils, sont ultimement faits pour l’homme ? Où situer une rupture avec l’animal ?

Entre continuité et rupture

En y regardant de près, les recherches scientifiques ne bouleversent en rien la foi catholique, ce qu’établissait déjà un saint Thomas d’Aquin. Car, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, les découvertes récentes sur les animaux, au lieu d’infirmer les intuitions d’Aristote et de ses héritiers médiévaux, les confirment sans cesse. En effet, que pressentaient ces auteurs ? Que l’animal possède des « sens internes », c’est-à-dire qu’il est capable de se faire une image de quelque chose qu’il a perçu, d’y penser en son absence, de rêver, de classer dans une même catégorie des objets qui se ressemblent, d’avoir de l’imagination, de se souvenir de situations et donc d’acquérir une certaine expérience, etc. Et bien sûr, d’éprouver des émotions.

Cependant, remarquaient Aristote et saint Thomas, toutes ces capacités ne portent que sur des réalités sensibles et concrètes. L’animal s’avère incapable de saisir la nature universelle des choses. Il peut reconnaître un triangle, mais serait bien en peine de le définir. Car ce n’est pas parce qu’un animal utilise un outil qu’il en possède le concept universel et abstrait qui vaut autant pour le stylo que pour le tracteur, le livre ou le GPS. En cinquante ans, nous n’avons jamais pu observer un animal évoquer une réalité sans rapport direct avec ce qui est concret, palpable, visible. Il est rigoureusement impossible de faire saisir à un bonobo des notions abstraites, comme la sagesse, l’essence, la relativité, etc.

A contrario, l’enfant d’homme pose constamment deux questions, étrangères à l’animal : « qu’est-ce que c’est ? » et « pourquoi ? ». L’intelligence vise la nature des choses et leur raison d’être. C’est pourquoi l’homme peut se demander : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », tandis que cette interrogation n’a aucune signification pour l’animal.

L’homme est libre

Quand on parle d’intelligence au sens le plus strict, il n’y a donc pas de continuité entre l’homme et l’animal, mais bel et bien rupture. Et cette distinction radicale se prolonge de façon éclatante dans l’acte de liberté. Car l’homme est capable, par son intelligence, de réfléchir à ses propres actes, de prendre du recul et ainsi d’agir librement. Certes, certains animaux sont capables de comportements « altruistes »… mais ils ne peuvent s’en empêcher. La femelle qui se sacrifie pour ses petits n’est pas plus libre que la mante religieuse qui dévore son mâle. Tandis que l’homme n’est déterminé en rien. Il peut aussi bien agir comme Maximilien Kolbe, qui offrit sa vie en sacrifice, ou comme Karl Fritzsch, le SS qui l’envoya à une mort ignoble. D’où cette formule paradoxale de Chesterton : « Nous parlons d’animaux sauvages, mais l’homme est le seul animal sauvage. C’est l’homme qui échappe à la loi naturelle. Tous les autres animaux sont des animaux apprivoisés, assujettis à la rude respectabilité de la tribu ou de l’espèce. Tous les autres animaux sont des animaux domestiques : seul l’homme n’est pas domestiqué, qu’il soit libertin ou moine. » L’homme est, par son intelligence, capable de choisir sa destinée. C’est sa grandeur et sa vocation.