L’image de la France et de son président s’est dégradée en Europe et dans le monde, au lendemain du 9 juin. Les commentaires venus de l’étranger sont sévères, marqués par l’incompréhension et la moquerie. Les médias anglo-saxons sont les plus caustiques. Le Financial Times a donné le ton en racontant le psychodrame post-électoral français : « La crise politique tourne à la farce. » Le quotidien progressiste The Guardian a évoqué « le désarroi qui s’est emparé de la politique française ». L’hebdomadaire conservateur The Spectator s’en est pris directement à Emmanuel Macron – « pétulance, panique et théâtralité », jouant « l’avenir de son pays à pile ou face ». Le quotidien suisse Blick parle d’un « joueur de poker ». En Italie, le Corriere della Sera évoque « la carte du désespoir » et La Repubblica « un calcul machiavélique et peu enviable ».
Une instabilité alarmante
Ce scrutin a ouvert en France une période d’instabilité unique dans l’UE, alarmante pour la quasi-totalité des commentateurs. Ils en attribuent la responsabilité directe à Emmanuel Macron. Leurs analyses convergent sur l’affaiblissement personnel du président français, la dégradation de la position de la France en Europe, le risque qu’elle fait courir pour la stabilité de l’actuel modèle libéral et social-démocrate de l’Union européenne. « Macron porte une responsabilité qui dépasse les frontières de la France… et prend le risque d’isoler la France en Europe », dénonce ainsi Alexandra de Hoop Scheffer, directrice du bureau de Paris du German Marshall Fund of the United States – un influent centre de recherche américain. Cette analyste réputée parle d’une « crise de performance » en France : « Le triple déficit – commercial, public et financier –, la chute de productivité et la délocalisation des entreprises… entérinent chez les Français le sentiment d’une mauvaise gestion et d’une fuite en avant non maîtrisée. » Tout est dit.
En Pologne, où la droite radicale a été contenue, le Premier ministre Donald Tusk se montre déçu pour son « ami Emmanuel » : son coup de poker institutionnel « fait peser sur nos épaules une responsabilité de plus en plus grande pour l’avenir de l’Europe », écrit le dirigeant polonais. Ailleurs, on évoque la « perte de sang-froid » du président français, la paralysie institutionnelle qui menace la France. Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung y voit une « politique à haut risque et fort imprudente » : « Emmanuel Macron fait comme si une catastrophe naturelle s’était abattue sur la France… Le Président a déjà pris de nombreuses décisions impulsives par le passé, mais celle-ci pourrait se révéler fatale. »
Un pays menacé de décrochage
Cette déstabilisation personnelle d’Emmanuel Macron reste une surprise pour beaucoup. Jusque-là, sa politique économique et sociale et sa communication politique étaient jugées plutôt habiles. Les voici mises à nu. La nouvelle photo de la « France-Macron » est cruelle : elle montre un président désavoué et déconsidéré, à la tête d’un pays lourdement endetté, menacé de décrochage.
Même en cas de cohabitation, M. Macron va conserver la conduite de la politique étrangère, apanage régalien du chef de l’État. Mais il sera d’emblée moins légitime sur la scène mondiale. Son engagement martial au côté de l’Ukraine en sera sans doute moins convaincant – ce qui devrait éloigner le spectre d’un engagement de militaires français sur le terrain. Sur la durée – encore trois ans –, la diplomatie française devrait continuer de s’affaiblir. En Europe, en Orient, en Afrique, jusque dans le Pacifique.