Un sondage réalisé par le Pew Center en 2022 montre que 31 % des catholiques américains ne croient pas en la Présence réelle… En quoi la question de l’Eucharistie vous paraît-elle centrale pour les catholiques américains dans les années à venir ?
Mgr Salvatore Cordileone : L’Eucharistie est au cœur de ce que nous sommes et de notre identité en tant que catholiques. Si nous perdons le sens de la Présence réelle et du caractère sacré de l’Eucharistie, nous perdons pratiquement tout le reste ! C’est la raison pour laquelle les évêques américains ont lancé en 2022 le Renouveau eucharistique national. Cet effort continu consiste en une formation de « missionnaires eucharistiques » pour répandre la foi eucharistique dans leurs paroisses, ainsi que d’autres initiatives visant à faire renaître le sacré dans notre culte. Nous insistons particulièrement sur l’importance de la musique utilisée pour célébrer la messe, à travers différents instituts revitalisant la culture catholique des arts et de la musique sacrée. Nous sensibilisons d’ailleurs nos séminaristes à la question, en leur enseignant que la musique sacrée peut être une ressource pour les paroisses.
L’Église aux États-Unis semble très encline à réaffirmer les vérités essentielles de la foi…
Une partie de la crise de la modernité se nourrit du manque de croyance en la vérité. Si chaque personne a sa propre vérité, il n’y a pas de sens de la vérité objective. Cela rend les conversations plus difficiles lorsqu’il s’agit de parvenir à un consensus sur des questions. C’est pourquoi il est important de poursuivre notre engagement au service des pauvres : nous utilisons la transcendance de la bonté et celle de la beauté grâce auxquelles nous pouvons toucher les gens. Car ils ne peuvent pas nier la beauté lorsqu’ils la voient ou l’entendent. Elle adoucit l’âme pour qu’elle reçoive ensuite les graines de la vérité.
Y a-t-il des priorités dans l’engagement des catholiques américains pour le bien commun ?
En ce qui concerne les catholiques et la vie politique, les évêques américains publient tous les quatre ans le document intitulé « Former les consciences pour une citoyenneté fidèle », qui fournit des conseils et des priorités pour aider les gens à former leurs consciences. Ce document affirme la dignité intrinsèque de la vie humaine à tous les stades et dans toutes les conditions, ainsi que le souci des plus vulnérables. Lorsqu’il s’agit simplement de vivre la foi en toute intégrité dans notre vie personnelle, nous sommes parfois confrontés à des décisions difficiles à prendre. D’où la nécessité d’être bien formés pour savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais afin de prendre la bonne décision.
À l’approche des élections, à quels grands enjeux voudrez-vous que le prochain président prête toute son attention ?
Il est difficile d’établir des priorités. Il y a des questions permanentes, liées à la dignité de la vie humaine, en particulier la vie dans le ventre de la mère, et, de plus en plus, à la fin de la vie. Il y a aussi les questions liées au mariage et à la vie de famille. Au niveau mondial, il y a les crises des guerres qui éclatent en Ukraine, à Gaza et en Chine. Nous semblons nous diriger vers une nouvelle guerre mondiale, à Dieu ne plaise ! Nous avons également un problème d’immigration incontrôlée aux États-Unis, et nous devons donc maîtriser cette situation d’une manière ou d’une autre. Nous devons aider les personnes qui immigrent pour des raisons honnêtes à s’engager sur la voie de la légalisation et éventuellement de la citoyenneté si elles le souhaitent, et nous devons empêcher les criminels et autres personnes mal intentionnées d’entrer dans le pays pour y agir impunément.
Vous parliez de la vie dans le ventre de la mère. Le courant « pro-vie » est très puissant parmi les catholiques américains…
Il est certain que la question de l’avortement est devenue très passionnée, au point de devenir probablement ce qui divise le plus notre pays. Il suffit de regarder les États qui ont des lois en faveur de la vie humaine et ceux qui sont très favorables à l’avortement… Le clivage est évident. Le défi à relever réside dans le fait que la plupart des gens n’aiment pas l’avortement, mais ne peuvent pas concevoir un monde sans avortement. Nous devons d’abord les aider à se rendre compte à quel point ce monde serait meilleur. C’est comme la paix dans le monde. Aurons-nous un jour la paix dans le monde ? Pas vraiment. Mais nous continuons à y travailler parce que nous savons que c’est un bien. Nous savons que le monde est meilleur lorsque la paix règne. Et nous savons que si nous ne continuons pas à travailler dans ce sens, les choses iront encore plus mal.
Y a-t-il des saints français pour lesquels vous avez une dévotion particulière ?
Bien sûr ! Nous aimons tous sainte Thérèse de Lisieux et sa « petite voie ». Elle parle à beaucoup d’entre nous. Je suis aussi très attaché à saint Martin de Tours. Il était le patron de la première paroisse où j’ai été affecté. Et c’était un soldat. Or, au début de ma vie, je pensais que j’étais appelé à une carrière militaire. Martin a abandonné sa carrière militaire pour donner sa vie à l’Église, et c’est un peu la direction qu’a prise ma vie ! Je peux aussi citer Saint Louis, roi de France, qui fait partie de toute une litanie de grands saints de dignité royale qui ont consacré leur vie à la propagation de la foi et à la prise en charge des pauvres. Tout comme saint Jean-Marie Vianney, qui était un prêtre de paroisse modèle, connu pour sa douceur, son humilité, sa patience et sa gentillesse. Ces saints sont une grande source d’inspiration pour moi.