«Disposition habituelle et ferme à faire le bien » selon le Catéchisme de l’Église catholique, traditionnellement déclinées en vertus théologales – foi, espérance et charité, relevant de la grâce, c’est-à-dire du don de Dieu – et cardinales – prudence, justice, force et tempérance, pouvant être acquises par soi-même –, les vertus reviennent de loin. Avec les « fins dernières » et « l’âme », elles font partie de ces grands thèmes catholiques rejetés à partir de l’après-guerre car considérées comme obsolètes par des clercs désireux de tout changer pour parler le « langage du monde ». « Dès les années 1940, la société est surtout préoccupée par la notion de rendement, de vitesse et d’efficacité statistique. Or qu’est-ce que la vertu, si ce n’est quelque chose qui se travaille dans le temps ? rappelle le Père Philippe-Marie Margelidon, auteur de De quelques vertus oubliées – Religion, Chasteté, Pénitence (éd. du Cerf, 2023). Quant au vocabulaire des vertus, il était considéré comme désuet, renvoyant à des types de caractères dépassés. » Abandonnées par les théologiens catholiques, qui préférèrent s’intéresser à l’éthique plutôt qu’à la morale jugée trop contraignante, les vertus ont payé l’exigence qu’elles portent en elles. « La notion de vertu est une épine dans notre chair, relève le Père Jean-François Thomas, auteur des Vertus méditées (éd. Via Romana). Elles ont pu paraître insupportables, car elles ne sont jamais acquises définitivement et nécessitent un effort constant. »
L’héroïcité des vertus
Preuve de leur importance : c’est notamment « l’héroïcité des vertus » d’une personne que l’Église juge avant de la canoniser. « On voit dans la vie des saints qu’ils se considéraient toujours comme indignes et imparfaits, cherchant continuellement à progresser dans la pratique des vertus », souligne le Père Thomas. À une époque – qui connaît encore des résurgences aujourd’hui – où la notion de « perfection », à laquelle tous les hommes sont appelés, était perçue comme oppressante, on comprend donc comment les vertus, pourtant essentielles dans la foi chrétienne, ont pu être évacuées des préoccupations ecclésiales.
À leur exigence a pu également s’ajouter leur inutilité présumée, victimes collatérales du rejet de Dieu et de la disparition des prédications sur les fins dernières. « Le principe de la vertu, c’est qu’elle mène à la béatitude. Mais cette notion a disparu dans notre culture athée et agnostique. Dès lors, pourquoi emprunter un chemin, qui serait la pratique des vertus, pour trouver un salut qui n’existe pas ? » explique le Père Philippe-Marie Margelidon.
« Qu’il renonce à soi-même… »
Pourtant, les vertus sont désormais réinvesties par les théologiens. Rome elle-même donne l’exemple : depuis le 27 décembre, le pape François dispense une série de catéchèses sur « les vices et les vertus ». Faut-il y voir une réaction face au retour dans le débat public de la sobriété, la tempérance et même l’abstinence ?