Quels sont aujourd’hui les points de tension qui vous préoccupent le plus ?
Mgr Pascal Gollnisch : Nous sommes confrontés à sept crises majeures : en Ukraine, en Arménie, au Liban, en Syrie, en Irak, en Éthiopie et en Érythrée, et en Terre sainte. Deux sont d’une gravité extrême.
Au Haut-Karabakh, tout d’abord, où 120 000 chrétiens ont été chassés de leur terre par les forces azerbaïdjanaises. À Stepanakert, la capitale, l’artère principale a été rebaptisée du nom d’Enver Pacha, l’un des artisans du génocide arménien… Je voudrais aussi souligner le cas de l’Érythrée où un gouvernement ubuesque pourchasse sans relâche les chrétiens dans l’indifférence presque absolue de l’opinion publique internationale.
Peut-on brosser à grands traits la situation des chrétiens d’Orient aujourd’hui ?
Les situations sont très diverses, mais je voudrais rappeler que les chrétiens d’Orient sont avant tout des citoyens de leurs propres pays. Un chrétien d’Irak est un Irakien à part entière, et non pas un protégé de l’Occident en terre étrangère. À part au Liban et en Égypte où ils sont nombreux, les chrétiens forment de petites minorités qui détiennent les clés du développement. Si l’on considère les populations musulmanes, on ne saurait nier les influences djihadistes, mais ces dernières ne sont pas représentatives de la majorité des fidèles. « Les musulmans », au sens large, recherchent une certaine liberté et les chrétiens sont des forces d’appui majeures en vue de cette évolution.
Du 9 au 13 avril, vous avez accompagné en Égypte une délégation de la Conférence des évêques de France. Quel bilan tirez-vous de ce voyage ?
Ce que je retiens, c’est le dynamisme des catholiques d’Égypte qui, pourtant, ne sont que 300 000 sur une population de 110 millions d’habitants. Ils sont actifs, bien formés, et présents dans des secteurs aussi essentiels que les écoles, les hôpitaux ou les hospices. Nous avons aussi été très marqués par la rencontre avec le patriarche copte orthodoxe Tawadros II, qui représente 10 à 15 millions de fidèles. Je n’oublie pas enfin nos échanges avec les évêques de l’Église copte catholique : en dépit de contextes très différents, l’Église en Égypte et l’Église en France partagent de nombreux points communs !
Le soir de votre retour, on apprenait l’attaque massive de l’Iran sur Israël, un peu plus de six mois après les événements du 7 octobre. Quel est votre regard sur cette actualité ?
Les origines de cette situation sont bien antérieures à ces événements. Ce conflit s’enracine dans le fait que personne n’a voulu trouver de solution pour assurer l’existence même du peuple palestinien : ni les Occidentaux, ni le monde arabe. Ce blocage est une des raisons de la brutalité barbare qui habite une fraction des Palestiniens, et qui s’est manifestée le 7 octobre. Mais on ne peut pas comprendre la violence actuelle si l’on ne prend pas en compte la situation en Cisjordanie où les colons israéliens continuent de s’implanter en toute illégalité, au mépris des droits fondamentaux des Palestiniens.
Face à cette situation, le chrétien de France peut se sentir déchiré entre deux solidarités. Quelles peuvent être les bases de son discernement ?
Premièrement, il faut prendre soin de distinguer le problème politique – c’est-à-dire le rapport entre Israéliens et Palestiniens – du problème religieux – en l’espèce les relations entre chrétiens, juifs et musulmans. Ensuite, il est essentiel que les religions puissent s’exprimer en toute indépendance face aux pouvoirs politiques. Par ailleurs, autre critère de discernement, les chrétiens ne peuvent pas accepter la violence : la seule acceptable relève de la légitime défense ou de la défense des plus faibles. Enfin, le chrétien a le devoir de s’informer pour former son propre jugement, ce qui exige courage et persévérance tant il est devenu difficile de débattre en France.
Quels sont les enjeux de la Journée des chrétiens d’Orient ?
La raison d’être de l’Œuvre d’Orient n’est pas seulement de distribuer des financements, même s’ils sont essentiels et rendus possibles grâce à la générosité des donateurs. Elle relève de quelque chose de plus grand : nous sommes des chrétiens qui vont à la rencontre d’autres chrétiens, afin de nourrir une amitié et une communion spirituelles. Rendre tangible cette communion, c’est l’objectif majeur de cette Journée qui va nous permettre de nous rapprocher de ces frères qui nous ont apporté la foi aux premiers siècles. Nous allons prier pour les chrétiens d’Orient, mais ils vont aussi prier pour nous, Occidentaux, qui en avons tant besoin. C’est une « prière méditerranéenne » pour sanctifier ce monde.
Pour en savoir plus : www.oeuvre-orient.fr