C’est Noël et l’Église n’épargne rien dans la réjouissance pour l’arrivée de l’Enfant de Bethléem. Mais au milieu de la lumière et de la joie du moment, l’Église ne manque pas également de nous rappeler ce que le Christ-enfant vient accomplir.
Saint Étienne, le protomartyr, dont la mort par lapidation est relatée dans les Actes, est célébré le 26 décembre. Le 27, l’Église célèbre Saint Jean l’Apôtre, qui bien qu’il ne soit pas mort martyr a, selon la tradition, miraculeusement survécu à plusieurs attentats contre sa vie. Si Etienne a été martyr en désir et en acte, comme le disait l’ancienne catéchèse, alors Jean était martyr en désir, bien que non en acte.
Et aujourd’hui, le 28 décembre, l’Église célèbre la fête des Saints Innocents, qui ont été martyrs en acte bien que non en désir, étant des bébés.
L’horrible massacre de tout-petits sur l’ordre du roi Hérode est un contraste choquant avec la paix et l’innocence de la naissance de Jésus que nons avons célébré seulement trois jours plus tôt.
Saint Augustin, à la fin du 4e siècle (juste à l’époque où la fête des Saints Innocents prenait une place fixe dans le calendrier liturgique) réfléchissait à cette juxtaposition du crime d’Hérode et de l’arrivée du Christ :
« Hérode était troublé, comme si le Christ était venu chercher et trouver un royaume terrestre. Le lion du ciel était né, et le petit renard de la terre était troublé.[…] Parce qu’il était troublé, qu’a-t-il fait ? Il a massacré des enfants. Qu’a-t-il fait ? Il a massacré des enfants à la place du Verbe enfant. Ils sont devenus martyrs en versant leur sang, avant d’être capable de confesser le Seigneur par leur bouche. Et ce sont les premiers fruits que le Christ envoie au Père. Un enfant vient, et des enfants partent ; un enfant vient à nous, des enfants vont au Père. De la bouche des enfants et des nourrissons, tu reçois une louange parfaite (Psaume 8:2). »
À peu près à la même époque, Augustin prêchait en Afrique du Nord, Saint Jean Chrysostome (pas encore archevêque de Constantinople) prêchait de manière fort semblable à Antioche.
Chrysostome mettait l’accent sur la stupidité d’Hérode de ne pas reconnaître ce qu’il avait sous les yeux. Les propres craintes d’Hérode trahissent qu’il croyait le récit des mages sur la naissance d’un roi. Ses propres chefs des prêtres et scribes et les paroles des prophètes, tout semblait le confirmer. Hérode ne pouvait pas non plus admettre ce que même des mages païens avait assez de bon sens pour voir : les étoiles du ciel montraient la venue du Roi.
« Pourtant, sûrement, l’affaire d’Hérode ne devait pas déboucher sur la colère mais sur la crainte émerveillée ; il aurait dû sentir qu’il tentait des choses impossibles. Mais cela ne le retient pas. Car quand une âme est insensible et incurable, elle ne cède à aucune des médecines de Dieu. Voyez pas exemple cet homme qui poursuit ses efforts précédents, ajoutant de nombreux meurtres à un premier, et dégringolant la pente. Rendu féroce par sa peur, sa jalousie et pas quelque démon, il ne tient compte de rien mais s’emporte contre la nature même, et sa colère contre les mages qui l’ont ridiculisé, il la tourne contre des enfants qui n’ont fait aucun mal. »
Hérode n’était pas tant aveugle ou indifférent que sciemment obstiné : « insensible et incurable » ne cédant à « aucune médecine de Dieu ». Et pourtant, Dieu permet la mort d’enfants innocents de la main d’un tel homme.
Chrysostome pose la question évidente : pourquoi ? Pourquoi Dieu permet-il un mal tel que le massacre des innocents ? Parce que le Christ n’est pas né simplement pour nous épargner le mal – comme si la bonté de Dieu consistait seulement en l’annulation des effets du péché et du mal – mais pour transformer même les plus grands maux en bien.
« Il est du moins observable comment, au milieu de Ses humiliations, les témoignages de Sa Divinité sont dévoilés. [L’enfant Jésus] change vraiment toute chose immédiatement dès Sa venue et travaille de telle manière que Ses ennemis doivent contribuer à cette Économie. Ainsi les mages et barbares, quittant les superstitions de leurs pères, sont venus adorer ; ainsi Auguste contribue à la naissance à Bethléem par son décret de recensement. »
Jésus était né dans un monde dangereux et chaotique, mais Son arrivée n’est pas simplement un signe que Dieu peut préserver l’innocent des difficultés, de la souffrance et de la mort s’il choisit de le faire. Toutes les circonstances de la naissance du Christ pointent plutôt vers cette joyeuse vérité : la miséricorde de Dieu est telle que ces difficultés et souffrances bien réelles deviennent les moyens par lesquels l’ennemi est défait, par lesquels le plan de Dieu est accompli et par lesquels sa gloire est révélée.
Chrysostome poursuit :
« De nouveau nous est enseigné ceci, que j’ai mentionné précédemment, qu’il ne faut jamais être déconcerté quand ce qui se produit est contraire à la promesse de Dieu. Voyez, par exemple, quand Il est venu pour le salut du peuple, ou plutôt pour le salut du monde, quels ont été Ses commencements. D’abord sa mère en fuite ; son lieu de naissance subit des calamités incurables et un meurtre est commis, de tous les meurtres le plus cruel, et il y a une lamentation et un grand deuil, et des gémissements partout. Mais ne soyez pas troublés ; car Il est venu pour accomplir ses propres libéralités par leur contraire, nous donnant ainsi une très grande démonstration de Sa puissance. »
C’est par amour que le Père a envoyé Son Fils dans le monde. C’est par amour qu’Il permet l’humiliation de ses bien-aimés, et même de Son Église. Et c’est par miséricorde qu’Il a permis jusqu’à l’humiliation et la mort de Son Fils Unique. Pour toutes les injustices et violences perpétrées par les « insensibles et incurables » Hérode de notre époque, le Seigneur continue d’accomplir ses libéralités par leurs contraires.
Stephen P. White, traduit par Bernadette Cosyn