Rome, 18 juillet 64 : un incendie incontrôlable, durant dix jours, détruit les deux tiers de la Ville, fait des milliers de morts, des centaines de milliers de sans-abri. Le coupable supposé ? Néron, qui doit d’urgence détourner les soupçons. Son entourage suggère le bouc émissaire idéal, une petite secte d’origine juive dissidente : les « chrétiens ». On les prétend sorciers, sacrilèges, criminels. Peu importe que nul n’en apporte la preuve. D’ailleurs, ce sont des Orientaux, les Romains s’en méfient. Ils n’ont pas demandé au Sénat l’autorisation d’exercer leur culte, ignorant cette législation créée pour endiguer les débordements des adorateurs de Bacchus, Isis et autres divinités étrangères censées combler le vide spirituel d’une époque en quête de foi. Jamais ces croyances, malgré de graves excès, n’ont été interdites. De même pour les Juifs, même s’il arrive qu’on les expulse en période de tension. Les Romains sont tolérants. Les chrétiens seront l’exception à la règle.
« J’aime la vie, mais la Vraie »
Accusés d’incendie, crime puni des pires châtiments, traités « d’ennemis du genre humain », ils font l’objet d’une législation laconique : « Il est interdit d’être chrétien », sous peine de mort. On les punit non pour des fautes inexistantes mais pour leur refus de se plier à la loi et d’abandonner leur foi. C’est là que le drame se noue. L’empire, conglomérat de peuples et de croyances, n’a qu’un facteur d’unité : le culte impérial divinisant le souverain et Rome, fiction à laquelle nul ne croit mais qui, en sacrifiant sur les autels, prouve l’attachement aux valeurs communes. Or, pour un chrétien, ce geste, qui rend un culte aux idoles, équivaut à l’apostasie. D’où le non possumus des martyrs. Au magistrat qui lui dit : « Tu aimes donc la mort ? », le sénateur chrétien Apollonius répond, vers 170 : « Non, j’aime la vie, mais la Vraie » – que l’apostat perdrait en reniant le Christ. Cette foi est incompréhensible aux Romains, comme l’est l’idée de vie éternelle pour les philosophies païennes qui n’ont aucune certitude et tiennent celles des chrétiens pour folle absurdité.
« Nous sommes les athées de vos dieux »
Ce dialogue de sourds opposera pendant trois siècles les croyants désarmés à un pouvoir devenu peu à peu impitoyable. Car les chrétiens, d’eux-mêmes en marge, deviennent ennemis potentiels, menace à éradiquer. En temps de paix, rester à l’écart, pour éviter de se mêler à un quotidien où le paganisme est omniprésent, est incivique. Cela envoie au bourreau, en 90, Flavius Clemens, cousin de Domitien, accusé d’athéisme. « Nous sommes les athées de vos dieux », dit Justin à un siècle de là : le refus des chrétiens de Lyon, en 177, de se fournir chez les bouchers qui débitent des animaux sacrifiés aux idoles suffit à justifier la persécution.
Retrouvez l’article complet dans le magazine.
Pour aller plus loin :
- QUAND LES TEMPS ÉTAIENT PROCHES...
- Lettre reçue à Nouvelle Cité ce matin de Mgr B. Georges Casmoussa, Archevêque Auxiliaire Patriarcal Syro-Catholique
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies