Les Jésuites et le Sacré-Cœur - France Catholique
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Les Jésuites et le Sacré-Cœur

« Il y a dans cette sainte Compagnie de grands amis et favoris du Sacré-Cœur de notre divin Maître », écrit sainte Marguerite-Marie, fêtée le 16 octobre, dans l’une de ses lettres. Voici le récit de cette dévotion.
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Le supérieur général des jésuites, le Père Arturo Sosa, a renouvelé la consécration de la Compagnie au Sacré-Cœur de Jésus, le 22 septembre 2024, à Paray-le-Monial. © Sanctuaires de Paray-le-Monial

De par son nom lui-même, la Société ou Compagnie de Jésus, fondée en 1539, possède, dès l’origine, un lien unique avec le Sacré-Cœur. Mais il faut attendre les apparitions de Paray-le-Monial (1673-1675) pour que la dévotion, portée notamment par les fils de saint Ignace de Loyola, s’impose à toute l’Église et soit officiellement promue par la papauté.

Fait unique parmi les révélations privées, Notre-Seigneur, lors de la quatrième et dernière apparition à sainte Marguerite-Marie, durant l’octave de la Fête-Dieu 1675, rassure la religieuse écrasée par la demande du Christ d’instituer et d’organiser cette dévotion qui soit aussi réparation : il nomme lui-même celui qui sera chargé de cette mission. Le moyen qu’il lui donne pour œuvrer à cette tâche est un homme, un religieux, un jésuite supérieur de la résidence de Paray-le-Monial, saint Claude La Colombière (1641-1682).

L’apôtre du Sacré-Coeur

La sainte visitandine rapporte son dialogue avec son Maître : « “Donnez-moi donc, je lui dis, le moyen de faire ce que vous me demandez.” Dès lors il m’ajouta : “Adresse-toi à mon serviteur Claude La Colombière et lui dis de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion, et donner ce plaisir à mon divin Cœur ; qu’il ne se décourage point pour les difficultés qu’il y rencontrerait ; mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant, qui se défie entièrement de soi-même pour se confier uniquement en moi” » (Autobiographie). Notre-Seigneur choisit donc son apôtre du Sacré-Cœur.

Dès lors, la Compagnie de Jésus sera tout entière dévouée à annoncer à la fois miséricorde divine et nécessité de réparation pour les offenses et les péchés des hommes. À partir de la France, la dévotion dévalera dans tous les autres pays, comme torrent de montagne. Les jésuites se mirent à l’ouvrage par la prédication et aussi par l’édition de livres mettant à la portée de tous cette intimité renouvelée entre le Christ et les hommes. Cela était en totale conformité avec l’invitation de saint Ignace à parler à Dieu « comme un ami à son ami » (Exercices spirituels, 54).

Si Claude La Colombière mourut prématurément, le flambeau fut aussitôt transmis à toute la Compagnie. Chacun connaît le rôle joué par le Père de La Chaise, confesseur de Louis XIV, pour transmettre au roi les demandes spécifiques du Christ pour le royaume de France, demandes qui demeurèrent – hélas pour la destinée du pays – lettre morte. Cet échec ne découragea pas les jésuites qui, face à l’hostilité janséniste, poursuivirent l’apostolat demandé par le Christ.

Un livre brûlant de zèle

Un jalon marquant fut le livre du Père Jean Croiset, écrit sur les instances, sous le contrôle et sous la dictée de Marguerite-Marie, La Dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, paru en 1691, quelques mois après la mort de la sainte. Elle avait prédit au religieux qu’il souffrirait beaucoup à cause de cela, et, en effet, malgré un grand succès et de multiples éditions, l’ouvrage fut mis à l’Index jusqu’en 1887 ! Pourtant un livre inspiré, brûlant de zèle, des pages simples qui respirent comme une prière et qui sont totalement conformes au message reçu par la visitandine.

Plus tard, au XVIIIe siècle, une autre publication fut essentielle : De l’excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, par le Père de Gallifet en 1726, rédigée en latin car adressée à la Sacrée Congrégation des Rites, pour défendre la fête du Sacré-Cœur dont il demandait l’institution. Il faudra attendre Clément XIII en 1765 pour qu’enfin le culte au Sacré-Cœur reçoive l’honneur et le respect qui lui étaient dus, ceci donc peu avant la suppression de la Compagnie de Jésus par Clément XIV en 1773. Les jésuites léguèrent ainsi à l’Église cette perle précieuse qu’ils avaient entretenue dans leur propre vie intérieure depuis les révélations de Paray-le-Monial. Le célèbre blason traditionnel de la Compagnie – le monogramme IHS et les trois clous entourés par les rayons du soleil – tel que voulu par saint Ignace, comporta pendant un certain temps, au début du XVIIe siècle, un cœur, celui du Christ, preuve de l’attachement déjà des jésuites, comme un pressentiment de la mission qui leur sera confiée presque un siècle plus tard.

Miséricorde et réparation

Aujourd’hui, il est bien souligné dans les Normes complémentaires aux Constitutions de la Compagnie de Jésus, que cet ordre religieux doit demeurer fermement ancré dans cet amour et ce souci de réparation : « En signe de reconnaissance et de dévotion envers le Sacré-Cœur de Jésus, sa fête sera solennellement célébrée ; et en ce jour on renouvellera la consécration par laquelle, dès le 1er janvier 1872, la Compagnie s’est vouée et consacrée tout entière à lui et pour toujours » (410-§1). Le même texte rappelle à tous les jésuites cette nécessité : « Tous estimeront grandement et entretiendront dans leur cœur le mystère du Cœur du Christ dans la vie de l’Église […] » (276-§1).

À l’occasion du 350e anniversaire des apparitions de Paray-le-Monial, le T.R.P. Arturo Sosa, actuel préposé général de la Compagnie de Jésus, a renouvelé cette consécration dans la chapelle de la Visitation de cette ville, le 22 septembre 2024, en invitant à regarder le Cœur de Jésus qui ouvre la voie. « L’offrande au Cœur de Jésus renforce l’engagement de la Compagnie à servir sous le drapeau de la Croix, en collaborant de toutes ses forces à la mission du Seigneur confiée à l’Église », a-t-il souligné dans son homélie. L’attachement jésuite au Sacré-Cœur de Jésus, tout centré sur la miséricorde divine, ne doit pas oublier la nécessité de la réparation, tel que cela fut exprimé par Notre-Seigneur qui parla de « réparation d’honneur ». Ces deux volets forment un diptyque qui ne cessera de porter du fruit pour le monde, pour la Compagnie de Jésus et pour l’Église.

Prière au Sacré-Cœur de Jésus
« Ô mon âme, ton Dieu, qui est ton ami fidèle, se fait ouvrir le Cœur par le fer meurtrier de la lance. C’est le nid que tu dois choisir pour y prendre un délicieux repos. Tourterelle errante, vole vers le nid, vole vers le nid.
Afin de te dérober aux dangers de ce monde perfide, ton Bien-Aimé t’ouvre avec tendresse un large port. C’est ton asile assuré dans la tempête ; frêle nacelle agitée par les flots, entre dans le port, entre dans le port.
Une lance cruelle a fait jaillir du côté de Jésus une fontaine d’eau vive pour étancher ta soif : biche altérée, cours au ruisseau, cours au ruisseau.
Ô mon âme, Dieu te découvre dans son Cœur ton nid, ton port, ta fontaine ; que dis-je, il t’y découvre même ton ciel. Courage donc, ô mon âme, monte au ciel, monte au ciel. » 
Par Dominique Cérasola S.j., frère coadjuteur à Bergame en 1743.