C’est le 18 septembre 1790 que Mgr Gabriel Cortois de Pressigny, évêque de Saint-Malo, approuva la constitution des Filles du Cœur de Marie, il y a 234 ans cette année. Cette congrégation a été fondée par Adélaïde-Marie Champion de Cicé, jeune noble de Rennes, dernière d’une famille de 14 enfants, dans le but de préserver la vie religieuse en France alors qu’un décret du 13 février 1790, pris par l’Assemblée constituante, interdisait aux religieuses de vivre en communauté, et sous un habit particulier…
Cette intuition avait été confirmée par le Père de Clorivière, jésuite réduit à l’exil dès avant la Révolution, puis clandestin en raison de son refus de prêter serment. Cette initiative est considérée par les historiens comme le modèle de l’action contre-révolutionnaire alors qu’elle se présente non comme une action contre mais comme une action pour, qui consiste à assurer la continuité de la vie religieuse malgré les persécutions.
Le Père de Clorivière incita les Filles du Cœur de Marie à procéder, quand elles le pouvaient, au rachat des biens d’Église vendus comme biens nationaux, ce qui fait qu’elles devinrent les plus grandes propriétaires immobilières du royaume et qu’elles assurèrent la continuité matérielle de l’Église en même temps que la continuité de la vie religieuse.
Église clandestine
La comtesse de Saisseval, qui succéda à Adélaïde-Marie de Cicé, s’illustra pendant son exil à Londres par une vie modèle. Veuve du comte de Saisseval, mort dans l’Armée des princes avec ses quatre fils, elle se trouvait réduite à une pauvreté qui était presque de la misère, et fonda un atelier de broderie qui, le jour, accomplissait les œuvres de l’artisanat et, le soir, devenait une église où un prêtre réfractaire célébrait la messe et où les dames vivaient une vie religieuse. Il arrivait, dans ces communautés clandestines, que la domestique fût la supérieure de celle qui passait aux yeux de tous pour sa maîtresse.
Rentrée en France après les lois d’amnistie de 1801, la comtesse de Saisseval retrouva son amie, la marquise Carcado, et fonda avec elle, à Paris, l’Œuvre des enfants délaissés. Aujourd’hui, le prestigieux établissement de lycée professionnel, Carcado-Saisseval, perpétue cette institution dont, malheureusement, peu de gens connaissent l’origine.
Première maire de France
La première rédactrice en chef de l’hebdomadaire La France catholique, Marie-Rose Bouchemousse, fut une Fille du Cœur de Marie. Elle fut aussi la première femme maire d’une commune de France, à une époque où les femmes n’avaient pas le droit de vote et, donc, n’étaient pas éligibles. Elle fut nommée à cette fonction, en 1943, par le maréchal Pétain, ce qui donna l’occasion à un ancien président de l’Association des maires de France de saluer, longtemps après, cette « ironie bien française de l’histoire qui fait que la première femme à avoir été maire a dû son statut d’exception à un régime qui n’était pas connu pour son féminisme ».
Les deux collaboratrices de Marie-Rose Bouchemousse étaient les filles du général de Castelnau, fondateur de la Fédération nationale catholique, qui étaient aussi des Filles du Cœur de Marie.
Ainsi, ce retour aux sources nous conduit à Rennes et à Saint-Malo, au temps de la Révolution. Il faut rappeler que les fondatrices, tout comme le Père de Clorivière, connurent la prison et le tribunal révolutionnaire. La comtesse de Saisseval, née sous Louis XV, avait été la demoiselle d’honneur de Madame Élisabeth et avait reçu des lèvres de la princesse, la mission de perpétuer, quoi qu’il en coûte, la foi catholique dans le royaume. Elle a obéi à cet ordre, et les fruits de son action demeurent aujourd’hui.
Ainsi la persévérance, dans le service de la foi, joint à une sage habileté, et à un véritable courage physique et moral, a triomphé des persécutions légales et révolutionnaires, et a traversé victorieusement les soubresauts politiques.
Il y a là une grande leçon que nous sommes tous appelés à méditer.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918