L'épopée des missionnaires de la Nouvelle-France - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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L’épopée des missionnaires de la Nouvelle-France

Pendant deux siècles, des missionnaires catholiques ont évangélisé les terres sauvages d’Amérique du Nord, souvent au prix de leur vie. Retour sur ces épopées de la Nouvelle-France.
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Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, la première grande entreprise coloniale du royaume de France s’est développée en Amérique du Nord, du golfe du Mexique au golfe du Saint-Laurent. Des explorateurs français, comme Jacques Cartier, ont tenté de coloniser sans succès ces terres dès le XVIe siècle. Mais c’est en 1603 que débute vraiment l’aventure de la « Nouvelle-France ». Cette année-là, François Gravé du Pont, négociant en fourrures, et Samuel de Champlain, qui fondera Québec en 1608, fument le calumet de la paix avec la tribu des Montagnais : ceux-ci fêtent leur victoire sur leurs rivaux iroquois. Les Français vont sceller avec ce peuple une alliance durable et consolider ainsi leur installation dans la péninsule québécoise.

Richelieu et les Cent-Associés

À l’époque, la plupart des marchands qui s’aventurent sur les côtes nord-américaines sont protestants. Les huguenots s’y réfugient loin des guerres de Religion qui secouent l’Europe, tout en développant un commerce florissant de fourrures et de pêche. Il faudra attendre Richelieu pour que soient organisées les premières opérations sérieuses d’évangélisation – conduites de pair avec la colonisation de la « Nouvelle-France ».

En 1627, le « ministre principal » de Louis XIII fonde la Compagnie des Cent-Associés. Son programme : établir une colonie de 4 000 catholiques « afin d’essayer, avec l’assistance divine, d’amener les peuples qui y habitent à la connaissance du vrai Dieu ». Selon la charte de la Compagnie, « les sauvages qui seront amenés à la connaissance de la foi, et en feront profession, seront recensés et réputés naturels françois et comme tels pourront venir habiter en France quand bon leur semblera et y acquérir, tester, succéder et accepter donation et legs tout ainsi que les vrais originaires françois ».

L’affaire prendra du temps. Peu nombreux, les moines récollets, installés à Québec depuis 1615, sont déjà très occupés par les âmes des colons. Pour convertir les indigènes, ils font appel aux jésuites. L’ordre de saint Ignace de Loyola sera le fer de lance de l’évangélisation, grâce à l’audace et à la ferveur de ses membres qui n’hésitent pas à vivre parmi les autochtones. « Les jésuites, réputés pour leur savoir-faire linguistique, sont les plus armés pour le travail missionnaire, souligne Gilles Havard, historien et chercheur au CNRS. Ils produisent des relations de voyage, des dictionnaires et leur legs ethnographique est immense. » C’est cependant la femme de Samuel de Champlain, Hélène Boullé, qui traduira le catéchisme pour les Algonquins, qu’elle a fréquentés lors de son passage de 1620 à 1624.

Une mission féconde

L’évangélisation des « sauvages » n’ira pas sans drame, comme en témoigne le martyre de Jean de Brébeuf, tué par les Iroquois. Mais les jésuites poursuivront leur mission sans faillir. Récollets, sulpiciens, carmélites et prêtres des Missions étrangères de Paris participent à cette aventure. Avec le temps, l’œuvre porte ses fruits. Envoyé en Nouvelle-France pour évangéliser les Hurons, le Père Jérôme Lallemant (1593-1673) constate ces progrès en 1650 : « Arrivant au pays il y a douze ans, je n’y rencontrai qu’une seule famille huronne chrétienne, et deux ou trois qui composaient l’Église algonquine et montagnaise ; et voilà qu’au bout de ce temps, sortant du pays, à peine y laissai-je aucune famille huronne, algonquine ou montagnaise, qui ne soit entièrement chrétienne. »

Artisan de la paix

Ennemis de la France, les Iroquois, qui commercent avec les Hollandais, seront beaucoup plus difficiles à convertir. Les missionnaires, impressionnés par les tortures qu’ils ont infligées à de nombreux prêtres, ne s’aventurent sur leurs terres qu’avec prudence. Pourtant, le jésuite Simon Le Moyne (1604-1665) parvient à se faire admettre au sein de la nation iroquoise des Onnontagués en 1654. Il est le premier Européen à réussir cet exploit. Le prêtre connaît leur langue, leur histoire et leurs mythes. C’est aussi un grand diplomate. Artisan de la paix avec les Iroquois, il permet la libération de captifs français et constate que les prisonniers hurons gardent toujours leur foi en Dieu. Une fidélité exemplaire que l’on peut encore observer chez ce peuple majoritairement catholique.

Les missionnaires n’éviteront cependant pas certains écueils : « Les jésuites, souvent assimilés à des chamanes par les autochtones, cherchent à établir des passerelles entre le catholicisme et les croyances indiennes », note Gilles Havard. Au risque d’être incompris : des indigènes adopteront Jésus comme une divinité parmi d’autres, et non comme le Dieu unique. Mais les jésuites connaîtront de beaux succès. Ainsi parviennent-ils à convertir les Mohawks, une nation iroquoise dont de nombreux membres s’installent à Montréal à la fin des années 1660. Le Père Jacques de Lamberville baptisera l’Iroquoise Kateri Tekakwitha le jour de Pâques, le 18 avril 1676. La jeune Indienne rendra l’âme quatre ans plus tard, à 24 ans, en odeur de sainteté selon ses biographes jésuites. Canonisée en 2012, Kateri est la première sainte autochtone du continent nord-américain.

L’œuvre d’évangélisation des jésuites subira cependant les contrecoups de décisions politiques, liées notamment au conflit avec le Royaume-Uni qui culminera au XVIIIe siècle. Entre les deux nations, la rivalité est commerciale, culturelle et surtout stratégique. Les Anglais voudraient évincer la France du commerce des peaux ; ils s’agacent des progrès du catholicisme dans une zone qu’ils considèrent comme leur sphère d’influence ; surtout, la présence de la France au Québec gêne l’expansion vers le nord-ouest de leurs colonies américaines.

Conflit avec l’Angleterre

Jusque dans les années 1660, les colons français sont trop peu nombreux pour se défendre face aux armées anglaises. En 1663, Louis XIV dissout la Compagnie des Cent-Associés et fait de la Nouvelle-France une province intégrée au domaine royal. L’effort de la France va porter sur le peuplement de sa colonie, l’évangélisation des Amérindiens n’est plus une priorité. Un séminaire est créé à Québec, dont les prêtres devront surtout assurer la vie spirituelle des colons. L’installation d’ordres contemplatifs est interdite. Les religieux ne peuvent se rendre en Nouvelle-France que s’ils se consacrent au bien public, c’est-à-dire à l’éducation, la santé et l’assistance. Les premiers hôpitaux et les premières écoles seront tenus par l’Église.

En revanche, le nombre des missionnaires n’augmente pas. En 1763, les jésuites seront expulsés de France et des colonies françaises par un arrêt du Parlement de Paris. La même année, le traité de Paris, qui met fin à la guerre de Sept Ans, contraint la France à céder à l’Angleterre la Nouvelle-France.
Pourtant, des prêtres français franchiront de nouveau l’Atlantique dans les années 1790 pour évangéliser les Amérindiens dans l’Ouest. Preuve que, malgré la fin de la Nouvelle-France, la flamme missionnaire ne s’était jamais réellement éteinte dans ces contrées.