L’église, âme du village - France Catholique
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Le trésor des psaumes
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L’église, âme du village

En perdant leur église, les territoires perdent leur cœur battant, et ce qui donnait vie à une communauté.
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© Pierre Gauer

L’église, bâtiment-sanctuaire, n’existe que comme centre et cœur d’une paroisse. C’est elle, en effet, qui rassemble le peuple de Dieu, pour la part territoriale qui lui revient. On se souvient de la tendresse particulière d’un Charles Péguy à son égard. Il y voyait l’accord du spirituel et du charnel car, grâce à elle, se perpétue la présence eucharistique : « Toutes les paroisses brillent éternellement, car dans toutes les paroisses, il y a le corps de Jésus-Christ. » Dans « toutes les paroisses de toute chrétienté » se perpétue le même miracle.

Vitalité d’un quartier

Aussi est-ce une tristesse infinie lorsqu’une église se trouve désaffectée et même vendue pour un usage profane, qui en désarticule la mission, signifie la mort de sa vocation. Et il ne faudrait pas croire que cette désaffection est sans conséquence sur la vitalité d’un quartier ou d’un village. Bien souvent, en perdant leur lien sacral de référence, les territoires perdent leur âme, ils perdent aussi ce qui donnait vie à une communauté.

En me promenant dans un coin du Limousin qui m’est familier l’été, j’ai souvent médité sur le sujet. Dans toutes les petites églises, de style admirable, que je puis visiter, je m’aperçois qu’il y avait une vie liturgique et donc paroissiale encore très active dans l’après-guerre. On peut y trouver les statues de Notre-Dame de Lourdes, du Curé d’Ars, de sainte Thérèse de Lisieux, qui se rapportent à la spiritualité du début du XXe siècle.

Mais la rupture était proche. Dans l’église Saint-Yrieix du village qui m’accueille, une plaque rappelle des souvenirs du dernier curé résident du village, l’abbé Leblanc, que l’on avait retrouvé mort dans la neige. L’hiver 1946, me semble-t-il. Il avait passé toute l’époque de l’Occupation dans un camp de prisonniers en Allemagne. Peu d’habitants aujourd’hui l’ont connu. Avec lui, se termine l’activité paroissiale qui s’enracinait dans les siècles précédents. On ne célèbre plus la messe qu’une fois par an, avec la venue d’un prêtre en charge d’une paroisse qui s’étend sur une vaste portion de territoire et qui compte plusieurs dizaines de villages et de petites églises.

Cette rupture d’après-guerre correspond avec une brusque accélération de l’exode rural. La plupart des fermes, il est vrai de petite surface, ont disparu, au profit d’exploitations agricoles de plus en plus grandes. C’est toute la géographie humaine qui s’en est trouvée bouleversée. Et il est très difficile de conduire une activité pastorale à une telle échelle quand manquent les relais nécessaires.

Religion populaire

Pourtant, les habitants restent très attachés à leurs églises qui demeurent les lieux d’identification de leur village. Il peut arriver que la présence d’une famille particulièrement fervente y ramène un début d’assemblée. Et puis la tradition des ostensions limousines, dans cette région, peut provoquer un retour à une religion populaire, trop délaissée dans les années postconciliaires.

D’évidence, tout cela ne concerne qu’une part du territoire – la part périphérique cependant, mise en valeur par Christophe Guilluy. Il faudrait aussi prendre en compte la France urbaine, celle des grandes métropoles. Il y arrive, malheureusement, que les églises soient désaffectées. Et quand elles brûlent à la suite d’entreprises criminelles, trop souvent elles ne sont ni réhabilitées ni reconstruites. Sauf sursaut de la population, comme on le voit à Saint-Omer, dont l’église a été dévastée par un incendie l’an dernier.

Il faudra bien que la chrétienté et les paroisses chères à Charles Péguy renaissent pour que notre territoire retrouve aussi sa vitalité. Le phénomène qui s’est produit lors du mercredi des Cendres, avec un afflux inattendu de jeunes participants, pourrait montrer qu’une nouvelle étape d’évangélisation s’offre à nous.