Législatives : quels enseignements ? - France Catholique
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Législatives : quels enseignements ?

Pari perdu pour Emmanuel Macron. Le RN vire en tête de ce premier tour, mais l’extrême gauche continue de progresser, alors que les formations « macronistes », défaites, recueillent un suffrage sur cinq. L’issue du second tour dépendra des reports de voix.
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Palais Bourbon, Assemblée nationale.

Le Rassemblement national, suivi du Nouveau Front populaire, puis du « bloc macroniste ». Contrairement à ce qu’espérait le président de la République, les Français ont fait preuve de constance, confirmant, le 30 juin, le score du RN aux élections européennes… et les enquêtes d’opinion, qui donnaient ce tiercé dans l’ordre depuis l’annonce de la dissolution.

Bien que son score soit moindre que prévu par les sondages, le RN de Jordan Bardella vire largement en tête de ce premier tour. Par rapport aux précédentes élections législatives, en juin 2022, sa progression est spectaculaire, en pourcentage comme en voix : il avait recueilli 18,7 % des suffrages exprimés il y a deux ans, il en obtient cette fois 33,1 %, en comptant ses alliés « ciottistes », passant de 4,2 millions de voix en 2022 à 10,6 millions. Un gain d’autant plus important que les Français sont allés voter en masse : le taux de participation dépasse les 66 %. Autre indice de la solidité de son implantation nationale, le RN arrive en tête dans 297 circonscriptions sur 577, il peut se maintenir dans 446. Et 39 de ses candidats ont été élus dès le premier tour, en particulier dans des circonscriptions à dominante ouvrière.

Échec cuisant

Quoique moins élevé, le score du Nouveau Front populaire (NFP) ne manque pas d’impressionner : constituée à la hâte par des partis de gauche et d’extrême gauche que séparent pourtant bien des sujets, cette coalition hétéroclite recueille environ 28 % des suffrages – près de 9 millions de voix. C’est plus que la Nupes en 2022 (25,6 %), malgré les polémiques soulevées par Jean-Luc Mélenchon et le soupçon d’antisémitisme pesant sur La France insoumise… Ses candidats arrivent en tête dans 159 circonscriptions, et pourraient se maintenir dans 414 circonscriptions. 48 % des moins de 25 ans ont opté pour le NPF.

Même s’ils résistent mieux que ne le laissaient prévoir les sondages et leur résultat aux européennes, les partis soutenant l’action du chef de l’État – 20 % des voix – essuient un échec cuisant. Il est certain qu’ils perdront la majorité relative qu’ils avaient dans la précédente assemblée, où ils comptaient 250 députés. 32 % des 70 ans et plus ont voté pour les candidats macronistes. Enfin, le score des candidats investis ou soutenus par les Républicains et les divers droites avoisine les 10,2 %.

Insécurité sociale et culturelle

Comment expliquer ces résultats ? Par le rejet que suscite le chef de l’État ? Il est significatif que les candidats de la « majorité présidentielle » aient préféré faire figurer Gabriel Attal sur leurs affiches plutôt qu’Emmanuel Macron. Bon nombre de Français n’ont toujours pas compris les raisons d’une dissolution qui ne s’imposait pas, encore moins qui fait courir au pays le risque d’une « guerre civile », selon ses propres mots, si son camp ne l’emportait pas… À l’inverse, on ne peut exclure que la jeunesse de Jordan Bardella, qu’on aurait du mal à associer à l’histoire controversée de l’ancien Front national, ait joué en faveur du RN – ultime étape de la « dédiabolisation » voulue par Marine Le Pen ?

Mais cette analyse fondée sur les dynamiques personnelles serait bien trop courte. On ne peut comprendre ces résultats sans s’intéresser aux préoccupations des Français : le pouvoir d’achat et l’immigration – sans oublier la délinquance : des sujets témoignant de l’insécurité sociale et culturelle qui a saisi bon nombre de Français.

Sur le pouvoir d’achat, RN et NFP ont rivalisé de propositions, sans qu’on sache vraiment comment ils comptaient les financer. Le NFP propose de porter le SMIC à 1 600 euros nets, soit une augmentation de 14 % ; le RN évoque une baisse de la TVA sur les produits alimentaires et des taxes sur l’énergie – électricité, gaz et carburants. 44 % des employés et 57 % des ouvriers ont voté pour ce parti – douze points de plus qu’en 2022.

Mais est-ce vraiment sur ces mesures que les Français les ont distingués ? La différence entre les deux formations porte surtout sur l’immigration. Or, comme l’a indiqué Olivier Faure le 27 juin, la gauche veut régulariser tous les clandestins « qui, aujourd’hui, travaillent en France », alors que le RN promet de « réduire drastiquement » les flux migratoires. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, 323 260 nouveaux étrangers ont bénéficié l’an dernier d’un titre de séjour en France. Et moins de 7 % des obligations de quitter le territoire (OQTF) sont exécutées. Or, plusieurs crimes sordides ont été commis ces derniers mois par des étrangers sous le coup d’une OQTF.

Des consignes suivies ?

Par ailleurs, le bilan dressé par le ministère de l’Intérieur indique que la délinquance a augmenté l’an dernier dans presque tous les domaines : + 3 % pour les cambriolages, + 7 % pour les coups et blessures volontaires, + 5 % pour les homicides, + 8 % pour les violences sexuelles… sans oublier les 551 900 « destructions et dégradations volontaires » liées notamment aux émeutes de l’an dernier dans les banlieues.

Dans ce contexte, le RN pourra-t-il transformer son succès du premier tour en victoire le 7 juillet ? Leur fiabilité reste faible mais la plupart des projections réalisées le 30 juin ne lui promettaient pas les 289 sièges nécessaires pour avoir la majorité absolue à l’Assemblée. Le Nouveau Front populaire a annoncé qu’il retirerait ses candidats des circonscriptions où leur maintien pourrait profiter au RN. Les différentes formations « macronistes » appellent aussi à « faire barrage » ou, plus pudiquement, à voter « pour le candidat républicain », sans que l’on sache si cet adjectif s’applique à ceux de La France insoumise… LR a refusé de se prononcer. Mais tous les candidats – et surtout les électeurs – respecteront-ils les consignes des états-majors ? L’incertitude demeure avant le second tour.