L’École française de spiritualité naît au XVIIe siècle, dans l’élan du concile de Trente – la grande opération de Réforme de l’Église, à la fin du XVIe siècle – offrant un précieux antidote à la rigueur du jansénisme. Elle participe au renouveau de la foi en France, qui connaît alors une période d’exceptionnelle fécondité, en se recentrant sur la relation personnelle et intime avec le Christ – en particulier dans la prière d’oraison et l’adoration eucharistique –, spécialement adoré dans son Incarnation. Saint François de Sales (1567-1622) en est sans aucun doute la figure emblématique, comme l’écrit Joseph Tissot, missionnaire de Saint-François de Sales, en 1879 : « Heureusement, la divine sagesse, dit saint Augustin, possède le secret d’offrir aux hommes, selon les circonstances où ils se trouvent, les remèdes propres à leurs besoin. Elle a fait vivre, parler et écrire au XVIIe siècle, au moment même où allaient éclore les désespérantes doctrines jansénistes, et elle a fait couronner Docteur de l’Église universelle, à l’heure la plus découragée d’un des siècles les plus abattus, François de Sales, le docteur encourageant par excellence », (L’art d’utiliser ses fautes, d’après saint François de Sales, Le Laurier, 2004).
Fille des plus grands saints
Outre François de Sales, l’École française de spiritualité est fille et mère de certains des plus grands saints et spirituels de l’Église : Vincent de Paul, Louis-Marie Grignion de Montfort, Jean Eudes, Jean-Baptiste de La Salle, Jeanne de Chantal, Madame Acarie, fondatrice du Carmel en France, le cardinal de Bérulle, fondateur de l’Oratoire, l’abbé Jean-Jacques Olier, Bossuet, Pierre Fourier, précurseur du Curé d’Ars… « On demeure stupéfait en présence d’un tel réveil religieux, auquel collaborent d’innombrables mystiques », résume le peintre Maurice Denis (Histoire de l’art religieux, 1939).
Cette spiritualité va rejoindre celle du Sacré-Cœur, déjà développée par saint Jean Eudes et saint François de Sales, et qui prend une très grande ampleur avec les apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie Alacoque. « Les apparitions provoquent une sorte de réveil, à la fin du XVIIe siècle, face au rigorisme du jansénisme », explique l’abbé Hervé Benoît, recteur du sanctuaire Notre-Dame-des-Enfants.
Sans être nouvelle, puisqu’elle s’ancre dans les Écritures et la Tradition de l’Église, cette spiritualité offre « un puissant contrepoids au jansénisme », précise l’abbé. « Face au terrible sacrifice d’un Dieu tout-puissant, qui broie son Fils sur la Croix », la dévotion du Sacré-Cœur permet aux croyants de « se plonger dans la miséricorde du Christ, dans son Cœur ouvert, d’où jaillissent la lumière et l’amour…
La Croix n’est plus un motif d’écrasement mais redevient le lieu de l’amour et de l’espérance ». Sans être une réaction contre le jansénisme, la spiritualité du Cœur de Jésus « dissipe les ténèbres dans lesquelles entraîne le jansénisme, avec son rigorisme et sa morale », rappelle l’abbé Benoît. Ceci explique peut-être qu’au siècle suivant, pendant la Révolution – « notamment issue de penseurs d’origine janséniste », les Chouans aient choisi « le Sacré-Cœur comme symbole mystico-politique, se référant à l’amour divin », assure encore l’abbé Benoît.