Welborn Barton Griffith Jr., le soldat qui sauva la cathédrale de Chartres - France Catholique
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Welborn Barton Griffith Jr., le soldat qui sauva la cathédrale de Chartres

Il s’en est fallu de presque rien pour que la cathédrale de Chartres ne subisse des dégâts irrémédiables lors des combats de la Libération. L’intervention d’un homme d’exception, Welborn Griffith (1901-1944), a permis d’éviter un drame irrémédiable.
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Plus de deux mois après le débarquement sur les côtes de Normandie, les forces alliées parviennent enfin à déborder le dispositif allemand lors de la percée d’Avranches, en s’attaquant à la poche de Falaise et en prenant enfin le contrôle de Caen. Usées par des semaines de combats épuisants dans le bocage normand, elles doivent reprendre l’initiative et porter l’effort vers la Bretagne et vers la Seine. Ce fleuve est au cœur de la stratégie du général Patton qui commande la 3e armée US. Le 16 août, à Dreux qui vient d’être libéré, il monte à bord d’une jeep et, à peine escorté, il prend la direction de Chartres, étape essentielle sur la route de Paris. Arrivé au PC de la 7e division blindée, il ne veut pas perdre un seul instant et ordonne à l’état-major de nettoyer la ville des éléments ennemis dans un délai de deux heures. Selon ses services de renseignement, il ne reste alors qu’un millier d’Allemands dans la ville, mais il ignore que vient d’arriver sur place le général Kurt von der Chevallerie, un officier issu d’une vieille famille huguenote qui va lui opposer une résistance acharnée.

Les combats sont féroces. Patton veut en finir rapidement. Des unités d’artillerie sont mobilisées pour faire sauter les bouchons un par un. « Tout fut mis en œuvre pour éviter la destruction des bâtiments historiques », peut-on lire dans un journal de marche de la 7e DB, cité par l’historien Antony Beevor dans D-Day et la bataille de Normandie (Calmann-Lévy, 2009), mais la suite du rapport invite à nuancer cette présentation mesurée, évoquant les ultimes combats au cours desquels l’artillerie tira des obus au phosphore. « Sur toute la zone et quand les champs s’embrasèrent, les Allemands se mirent à sortir en courant comme des rats. Les tankistes s’en donnèrent à cœur joie, tirant sur les Allemands en débandade, qui surgissaient de partout. » Dans ce déluge de fer et de feu, qui certes ont davantage frappé les faubourgs de la ville, la préservation de la cathédrale relève presque du miracle.

Au travers des lignes ennemies

L’homme qui en fut l’instrument s’appelle Welborn Barton Griffith Jr. Âgé de 42 ans, de belle allure, il est passé par la prestigieuse école militaire de Westpoint et sert avec le grade de colonel. Il est responsable des opérations au quartier général du XXe corps, rattaché à la 3e armée de Patton, qui s’est déjà illustré lors de la libération d’Angers et du Mans, sous le commandement du général Walton Walker. Depuis que son unité a pris position aux abords de la ville, il est hanté par un ordre dont il a eu écho le 16 août au matin : l’artillerie aurait reçu la consigne expresse de pilonner Notre-Dame où les Allemands se seraient retranchés. Il prend alors une décision téméraire : accompagné de son seul chauffeur, il franchit des lignes de résistance allemandes, prend la direction du majestueux édifice sur lequel tirent quelques soldats américains, persuadés que des snipers s’y embusquent. Aucune riposte. Griffith pénètre alors sous la voûte de la cathédrale, en inspecte les moindres recoins, et n’en déloge aucun ennemi. Il monte alors dans le clocher où il déploie un drapeau américain, avant de se précipiter pour faire annuler l’ordre de bombardement.

Un peu plus tard, au cours de cette même journée du 16 août, il prend la direction de Lèves, à la périphérie immédiate de Chartres. C’est là que, juché sur un tank, il est abattu par une patrouille allemande. Sa dépouille repose aujourd’hui au cimetière militaire de Saint-James, dans la Manche. Titulaire de la Légion d’honneur française et de la Croix de guerre, le colonel Welborn Griffith a également reçu la Silver Star et la Purple Heart. À Lèves, au 77, avenue de la Paix, une modeste plaque commémore toujours le sacrifice de cet homme qui a sauvé Notre-Dame.