Le "Saint Augustin" de Champaigne, un manifeste théologique - France Catholique
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Le « Saint Augustin » de Champaigne, un manifeste théologique

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Saint Augustin, vers 1645-1650, par Philippe de Champaigne, musée d’Art du comté de Los Angeles, États-Unis.

Le « Saint Augustin » de Champaigne, un manifeste théologique

Pour son Saint Augustin, Philippe de Champaigne s’inspira du frontispice du livre de Jansénius, l’Augustinus. Explications de Simon Icard, chercheur en histoire de la théologie au CNRS.
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Si l’on veut faire un lien entre Philippe de Champaigne et le jansénisme, et pas seulement avec le monastère de Port-Royal, il faut comparer deux œuvres : le Saint Augustin1 qu’il a peint vers 1645 et le frontispice de l’Augustinus, l’ouvrage que Jansénius a publié en 1640.

Saint Augustin par Philippe de Champaigne et frontispice de l’Augustinus, l’ouvrage de Jansénius.
Saint Augustin par Philippe de Champaigne et le frontispice de l’Augustinus, l’ouvrage de Jansénius.


Sur le frontispice, on voit saint Augustin piétiner trois hérétiques allongés au sol : Pélage et ses disciples, Caelestius et Julien d’Éclane. Il est entouré de quatre papes du Ve iècle, qui tendent leurs sceaux vers lui. Placé au-dessus d’eux, Augustin tient un livre et une plume dans la main droite, un cœur enflammé dans la gauche. Sa tête aussi est entourée d’une auréole de feu. L’origine de ce double embrasement est le soleil placé au-dessus de lui, où l’on peut lire un verset de l’épître aux Romains : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs [par l’Esprit Saint qui nous a été donné] ». Placé juste en dessous de saint Paul, saint Augustin en est l’interprète. En arrière-plan, le soleil divin et l’auréole embrasée chassent d’épais nuages : par ses écrits, Augustin a dissipé l’obscurité de l’erreur.

Le frontispice porte un message polémique : de même qu’à l’époque de saint Augustin, les papes ont reconnu dans ses écrits la véritable doctrine catholique de la grâce, de même, le pape Urbain VIII doit mettre fin aux controverses sur la grâce en approuvant la doctrine augustinienne, telle qu’elle est présentée par Jansénius, et condamner le jésuite Molina, qui est l’héritier de Pélage. En exposant la pensée d’Augustin, l’ouvrage de Jansénius va éclairer les vrais chrétiens, en dispersant les ténèbres qui obscurcissent la vérité dans l’Église à l’approche de la fin des temps.

Le Saint Augustin de Champaigne reprend un dispositif très similaire. Il piétine non plus les hérétiques mais leurs œuvres : on lit clairement « Pelagius », « Julianus » et « Caelestius » sur les livres et le rouleau qu’il foule aux pieds. Son cœur et sa tête sont enflammés par un soleil au centre duquel le mot vérité est écrit en latin. Ce soleil se trouve au-dessus de la Bible, probablement ouverte à une page de l’épître aux Romains. Saint Paul est bien là, brodé sur la chape liturgique au niveau de l’épaule gauche de saint Augustin – on le distingue avec le glaive, symbole de son martyre – tandis que saint Pierre figure en vis-à-vis, avec les clés. L’arrière-plan est également intéressant : on y voit une bibliothèque devant laquelle un lourd voile a été tiré. Saint Augustin et ceux qui lui sont fidèles révèlent l’authentique tradition de l’Église. On le voit : pour son Saint Augustin, Champaigne s’est manifestement inspiré du frontispice de l’Augustinus et de son programme théologique.

  1. Ce tableau est aujourd’hui au musée d’Art du comté de Los Angeles. Il a probablement appartenu au neveu de Philippe de Champaigne, Jean-Baptiste, qui hérita de ses œuvres. ↩︎