Dans une société en mal de héros, cet acte de bravoure a été salué, à raison, par une grande partie de la presse : à Sydney, deux Français ordinaires ont repoussé les assauts du terroriste qui avait déjà tué six personnes dans un centre commercial, lui bloquant l’accès en haut d’un escalator et l’empêchant ainsi de faire d’autres victimes.
Ce qui provoque l’admiration à l’égard de nos deux jeunes compatriotes, c’est qu’ils n’ont pas d’abord pensé à eux-mêmes, mais qu’ils ont eu avant tout le souci de protéger les autres, au risque de leur propre vie. La bonne nouvelle, dans une actualité marquée par les violences, est ainsi la résurgence d’un esprit que l’on croyait disparu : l’esprit de sacrifice, par amour de ce qui nous dépasse.
Le pardon d’un prêtre
Soyons justes : cet esprit n’a pas totalement disparu, mais il est moins visible, moins valorisé surtout, dans une société du chacun pour soi. On le repère encore çà et là, chez les mères de famille qui font le choix, à contre-courant et quand elles le peuvent, de renoncer à travailler pour élever leurs enfants ; ou dans ces parents qui sacrifient leur confort pour offrir de bonnes écoles à leurs enfants.
Ou encore, bien sûr, chez les prêtres. À Sydney encore, un évêque assyro-chaldéen a été agressé au couteau par un terroriste en pleine messe, le 15 avril. Bien que blessé, il a ensuite pardonné à son agresseur. Il n’a pas eu les honneurs de la presse, et pourtant, quel geste plus digne d’éloges que ce pardon éminemment chrétien, au détriment de sa dignité et de son intégrité bafouées ? Ce qui est vrai au plan naturel l’est encore davantage au plan surnaturel !
À sa suite, combien d’autres qui par leur sacerdoce, barrent la route au mal qui ronge l’homme depuis le péché originel, sans toujours de reconnaissance des fidèles et de leurs supérieurs ? Aujourd’hui comme hier, il faudrait leur rendre hommage, comme l’avait fait une éphémère collection intitulée « Belles vies sacerdotales ». En 1941, celle-ci commença par la vie de l’abbé Daniel Joëssel, mort un an plus tôt, à 32 ans, sur le front de la Seconde Guerre.
Apôtre de la jeunesse, marqué par l’école française de spiritualité qui met le sacrifice chrétien au cœur de la vie sacerdotale, ce jeune prêtre écrivait ainsi en avril 1939, à peine mobilisé : « Il n’est que temps de former nos âmes pour les rendre capables de redonner une âme à notre pays 1 »
Et cet impératif n’a rien perdu de son actualité quand la fidélité à l’Église devient exigeante, dans une société où les pratiquants sont devenus une minorité, et donc forcément à contre-courant sur les sujets sensibles – en particulier tout ce qui concerne le début et la fin de la vie, avec la liberté restreinte pour les défendre. Comme le disait saint Pie X : « La force principale des mauvais, c’est la faiblesse et la lâcheté des bons, et tout le nerf du règne de Satan réside dans la mollesse des chrétiens. »
Comment dès lors former des âmes fortes dans ce contexte où la moindre souffrance est un objet d’horreur, en particulier dans l’éducation ? Sans doute en commençant justement par redécouvrir le sens profond de la messe, où le sacrifice offert par amour par le Christ, à son imitation par le prêtre et, par participation, par les fidèles, possède une efficacité incomparable pour faire reculer les forces du mal.
- Père Cyril Farwerck, L’abbé Daniel Joëssel. La fécondité du sacrifice, DMM. ↩︎