Le référendum irlandais - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Le référendum irlandais

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Et voilà, la République d’Irlande est partie. Partie du côté obscur. Elle a répudié la religion catholique. Cela s’est fait le vendredi 25 mai, quand les citoyens d’Irlande, dont la majorité est au moins catholique de nom, a voté à une majorité écrasante (environ deux contre un) pour abroger l’article de leur constitution (le 8e amendement) qui interdisait l’avortement, excepté pour sauver la vie de la mère.

Après avoir tenu bon dans la foi durant des siècles d’oppression protestante et de persécution, ils ont succombé à la séduction athée. Plus de 1500 ans après Saint Patrick, ils ont décidé qu’ils en avaient assez du catholicisme.

Si vous n’êtes pas un réaliste, il y a plusieurs choses consolantes que vous pouvez vous dire à vous-même dans le prolongement de cet événement historique.

Vous pourriez dire que ce vote, bien que supprimant l’interdiction constitutionnelle de l’avortement, n’exclut pas une interdiction légale. Cependant, vu l’ampleur de la défaite, il est clair que le peuple de la république est acquis à la notion que l’avortement est un droit de l’homme, et donc il est certain que le Parlement y est également favorable. Il est quasiment certain que l’Irlande aura bientôt une législation permissive sur l’avortement.

Ou vous pourriez dire que le vote pro-avortement n’est en aucune façon une totale répudiation du catholicisme ; c’est tout au plus une répudiation d’une petite partie de la religion. L’Irlande peut désormais être un pays catholique qui se trouve être déficient en ce qui concerne un élément de la foi catholique – tout comme, pendant quelques siècles, il a été déficient au regard de cet élément du catholicisme qui proscrit l’absorption excessive d’alcool.

Le banal Irlandais alcoolique peut bien avoir été un mauvais catholique, il était tout de même catholique. De même, la jeune femme qui se fait avorter peut bien être une mauvaise catholique, elle reste catholique. De plus, l’ivresse est l’habitude de se saouler, alors qu’il est peu probable que la jeune femme prenne l’habitude de se faire avorter.

Cette pensée consolante, cependant, oublie de noter deux choses.

D’abord, l’avortement n’est pas une chose isolée. Il fait partie de la culture moderne de liberté sexuelle. S’il n’y avait pas le fait que nous vivons dans une culture de liberté sexuelle, il y aurait peu de demandes pour avorter. (Et quand je dis « nous », je ne fais pas seulement référence aux Irlandais mais également aux Américains, aux Canadiens et aux Européens en général.) Si vous êtes d’accord avec l’avortement, vous êtes d’accord avec la culture de liberté sexuelle et vice-versa. De même, le soutien à l’union homosexuelle, que les Irlandais ont effectué en mai 2015, est un soutien à la culture de liberté sexuelle. Les Irlandais sont tellement à l’aise avec l’homosexualité qu’un homme ouvertement homosexuel, Leo Varadkar, est leur premier ministre.

D’autre part, la liberté sexuelle n’est pas un manquement mineur au catholicisme. C’est un manquement gigantesque. Un code sexuel très strict a toujours été un marqueur de la religion catholique. Vous pouvez le voir en Jésus Lui-même. Vous le trouvez aux temps apostoliques ; il imprègne le Nouveau Testament. Vous le trouvez au cours des nombreux siècles où les monastères ont été florissants. Appeler à un catholicisme permissif en matière sexuelle, c’est comme réclamer des cercles carrés : il ne peut pas exister de telles choses.

Ou vous pouvez sardoniquement vous consoler en vous disant que le vote pro-avortement montre à quel point les Irlandais sont loyaux au chef de l’Eglise. Rappelez-vous quand dans les premiers jours de sa fonction le pape François a déclaré que les catholiques ne devaient pas être obsédés par des choses comme l’avortement ? Je suppose que les Irlandais devaient être obsédés en 1983 quand ils ont modifié leur constitution pour y inclure un amendement interdisant l’avortement. Mais le vote de vendredi est la meilleure preuve qu’on puisse exiger qu’ils ont surmonté cette obsession. Je me demande si le pape est satisfait des progrès psychologiques qu’ils ont accomplis ces trente cinq dernières années.

Même s’ils ont été battus à plate couture l’autre jour, il existe de nombreux catholiques « obsessionnels » en Irlande, qui ont fait campagne ardemment contre l’abrogation. Je me demande ce qu’ils vont faire maintenant. Est-ce qu’ils camperont sur leurs positions et deviendront plus catholiques que jamais ? C’est une possibilité. Et il est peut-être préférable d’avoir une minorité militante de catholiques plutôt qu’une majorité tiède. Ou vont-ils abandonner et partir à la dérive comme leurs compatriotes ? Vont-ils glisser en bas de la pente vers le libéralisme religieux et l’athéisme qu’on trouve tout en bas de cette pente glissante ?

Ma propre pensée consolante est que la défaite de l’autre jour en Irlande va rappeler à de nombreux catholiques, non seulement ceux d’Irlande mais ceux d’autres endroits autrefois catholiques comme Boston et Chicago qu’il est tout à fait impossible de mêler leur religion catholique avec la culture dominante du monde moderne – une culture hautement individualiste (ou égoïste) et principalement vouée à gagner et dépenser de l’argent.

Bien que Wordsworth nous ait averti il y a longtemps que « en gagnant et dépensant » nous « ruinions notre pouvoir », la plupart d’entre nous semble trouver cette vie plus ou moins satisfaisante. A la longue, bien sûr, cela nous détruira. Mais la destruction sera graduelle, si bien que nous ne la remarquerons pas alors qu’elle sera en cours. En plus , à la longue, nous serons morts.

Si nous tentons – comme les catholiques irlandais l’ont fait, comme nous catholiques américains nous évertuons à le faire depuis plus d’un demi-siècle – de mélanger le catholicisme avec la culture de modernité, nous obtiendrons dix-neuf parts de modernité pour une part de catholicisme : une religion catholique très, très diluée. Le sel aura perdu sa saveur.

Nous avons à faire un choix – pas tant pour nous que pour nos enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants. Soit nous faisons la guerre contre la culture dominante, soit nous nous rendons. Espérer une coexistence pacifique équivaut à un suicide ecclésiastique.

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David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au community college de Rhode Island.

Illustration : les deux phrases des panneaux se complètent : « sans le droit de vivre, les autres droits sont vides de sens »

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/06/01/the-irish-referendum/