Les Ecritures et le canon n°4 de la messe parlent d’un plan divin pour la Création, la Rédemption, menant toutes choses au Temps de la Fin. Alors il n’y aura plus de problème en attente entre Dieu, l’homme et le monde.
L’idée générale de ce « plan » est déjà dans la Genèse. Au « commencement », nous voyons manifesté un ordre défini. La Genèse parle de Dieu mettant de l’ordre dans un abîme initial. Les choses sont créées. Elles ne se contentent pas « d’arriver ». Une somme considérable de chance se trouve dans le plan existant. La chance résulte de la rencontre de deux choses ou plus, chacune avec son propre objectif. La chance présuppose un objectif. Les événements dus au hasard entrent dans l’ordre global des choses.
Dans le prologue de l’Evangile de Jean, avant même la Création elle-même, le plan a un « commencement » antérieur dans un Verbe qui était avec Dieu ; qui était Dieu. Dans ce plan, la race des hommes a reçu la « domination » sur les autres choses existantes. Ce mot précis, « domination », ne signifie pas quelque entreprise écologique sophistiquée pour sauver la planète des activités des hommes eux-mêmes aussi longtemps qu’il sera possible.
Le monde n’a pas été créé achevé dès le commencement. Le monde n’était pas complet sans l’homme. Il ne pouvait être ce qu’il était prévu d’être sans y ajouter l’usage de la terre, de l’eau et du ciel par l’homme. D’abondantes richesses étaient stockées sur la planète des éternités avant l’apparition de l’homme.
L’homme n’a pas existé uniquement en vue d’utiliser à son profit les ressources de la terre. Il a existé en vue de voir comment il se comporterait envers Dieu qui l’avait créé, mâle et femelle, avec un destin qui l’élevait au-delà de ses aptitudes naturelles. La finalité spécifique de toutes les luttes de l’homme, son bonheur, ne se trouve pas dans une chose existante qu’il connaît ou qu’il rencontre dans ce monde. Pourtant les bonnes choses qu’il rencontre effectivement et utilise ne sont pas des illusions. Les choses moindres que Dieu ne sont pas mauvaises. Nous ne sommes pas des gnostiques.
Pourtant, nous découvrons qu’aucune chose finie ne nous rend finalement heureux. Nous devenons conscients que quelque chose de plus nous est offert par ou à travers les bonnes choses que nous croisons au cours de nos vies. Depuis le commencement, le plan de Dieu incluait ce qui seul rendrait heureuse la créature rationnelle que Dieu a créé à Son image. Dieu, en fait, n’a créé aucun homme ayant seulement une destinée naturelle, mais une adaptée à son niveau d’être, « un peu moins que les anges » comme le déclare le Psalmiste.
Pour comprendre ce qui se joue là, nous avons besoin de nous rappeler ce qu’est une cause finale. C’est la première cause, l’unique qui identifie ce que nous avons l’intention de faire. Dieu n’avait pas « besoin » du monde ou de qui que ce soit dans ce monde. La Création porte la marque de la liberté, non de la nécessité. Plusieurs projets plausibles pourraient être donnés comme des raisons logiques pour lesquelles Dieu aurait pu créer quelque chose à partir de rien.
Toutefois, la raison principale pour laquelle Dieu a créé un vaste cosmos avec une race d’êtres rationnels limités était double. La première raison était que l’univers n’aurait pas été complet sans quelqu’un en son sein capable de le comprendre. L’univers comme tel porte des signes d’ordre, mais un ordre que l’univers lui-même n’y a pas mis. C’est un ordre qui a été donné, un ordre naturel.
Cet être rationnel au sein de l’univers, et non extérieur à lui comme Dieu, peut rendre honneur et gloire à Dieu sous la forme consciente de la louange et du remerciement. Dans ce sens, l’univers a une fonction liturgique. L’univers, par le savoir de l’homme, revient à Dieu sous la forme d’un émerveillement profond en raison de sa beauté et de la façon dont les choses s’harmonisent en son sein.
La seconde, et finalement la plus importante raison pour que Dieu fasse la Création était l’invitation faite par Dieu à chaque personne existante, et non à une collectivité, de vivre au sein de sa propre vie éternelle trinitaire. Chaque personne humaine est invitée à partager l’amitié divine comme fils adoptif ou fille adoptive. L’univers existe afin que l’homme puisse librement répondre à cette invitation. Son existence dans le temps est essentiellement concernée par la façon dont il répondra à cette invitation divine.
En 1989, Joseph Ratzinger écrivait : « la préoccupation du salut des autres ne doit pas nous conduire à ignorer… le particularisme de Dieu ; l’histoire du salut et l’histoire du monde ne doivent pas être regardées comme des intitulés identiques juste parce que la préoccupation de Dieu pour eux devrait être étendue à tous. Un tel universalisme direct détruirait la véritable totalité de l’action de Dieu qui devient un tout précisément pas le processus de sélection et d’élection » (Coopérateurs de la Vérité, 75).
La nature de l’amitié, divine ou humaine, signifie qu’elle ne peut pas être forcée. Le dernier drame de l’univers est vu dans le Jugement Dernier. Nos courtes vies dans le temps et l’espace constituent le stage au cours duquel nous décidons si nous acceptons ou rejetons la cause finale que Dieu avait en nous créant, celle de nous accueillir dans l’amitié que nous appelons Trinité.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/12/on-the-divine-plan/
James V. Schall, S.J., qui a été professeur à l’université de Georgetown durant trente-cinq ans, est l’un des écrivains catholiques les plus féconds en Amérique.
Illustration : « L’apparition du Christ aux Apôtres au cours d’un souper » par Duccio di Buoninsegna, vers 1308, 1310 [musée dell’ Opera del Duomo, Sienne, Italie]. Cette peinture est une partie de la « Maesta » (Vierge en majesté) de Duccio, un retable recto-verso installé dans la cathédrale de Sienne en 1311.