En prière dans sa stalle de la petite église Saint-Martin d’Avallon, dans l’Yonne, dont il est le curé depuis un an, le vendredi 13 décembre 1839, à midi, l’abbé Jean-Baptiste Muard, âgé de 30 ans, se plaint à Dieu de sa froideur à son service. Il entend alors Jésus qui, à plusieurs reprises, lui dit : « Je veux que vous soyez saint ! » Il n’oubliera jamais cette injonction. Ressentant son indignité dans le service sacerdotal et une passion profonde pour l’évangélisation des campagnes alors désolées et déchristianisées par les effets de la Révolution, il lui sembla que Notre-Seigneur le confirmait dans ce nouveau projet missionnaire. Avec l’audace et l’humilité des saints, il demande alors : « Mais quelle garantie me donnez-vous, Seigneur, de l’accomplissement de notre projet ? » La réponse fut immédiate. Comme en un éclair, Jésus répond : « Mon Cœur ! », semblant le tenir dans ses mains et le lui présenter. Écoutons la suite : « Cette réponse vive de Jésus, que je ne prévoyais nullement, me frappa singulièrement. Je sentis le Cœur de Jésus toucher mon cœur… Pendant tout ce temps mon imagination ne travaillait nullement… Je recevais les impressions divines, je ne les cherchais pas… »
Le Curé d’Ars est consulté
Cette expérience mystique est capitale. Toute la vie à venir de ce prêtre en sera imprégnée. Se préparant aux missions diocésaines, il se forme auprès du Père Jean-Claude Colin, fondateur des maristes. Ce dernier perçoit la profondeur stupéfiante de Jean-Baptiste Muard. Il veut le retenir. Le Curé d’Ars est consulté. Il tranche : « Retournez dans votre diocèse et consacrez-vous au Sacré-Cœur. » Le Père Muard en convient : « Notre œuvre a commencé sous le patronage du Cœur de Jésus… Je crois que c’est sa volonté que nous soyons à lui, prêtres du Cœur de Jésus. » Ainsi sont fondés, en 1843, les prêtres Auxiliaires de Pontigny. Il reçoit par la suite un nouvel appel intérieur « à mener une vie de victime et d’immolation continuelle… pour dédommager Notre-Seigneur des outrages qu’il reçoit surtout de la part des mauvais prêtres », qui le pousse à fonder, en 1850, l’abbaye de la Pierre-qui-Vire. Le Sacré-Cœur est présent en cette démarche spirituelle. Pour la confirmer, il se rend à Rome. Avant de découvrir à Subiaco la Règle de saint Benoît, il célèbre chaque jour la messe dans l’église du Gesù, à l’autel latéral surmonté du célèbre tableau du Sacré-Cœur peint par Batoni 80 ans plus tôt. Là il obtient encore des grâces particulières. « Ne craignez rien, c’est l’œuvre de Dieu ! » confirme à nouveau Jean-Marie Vianney, rencontré sur la route du retour dans son diocèse de Sens.
Arrêt à Paray-le-Monial
Avant même de s’installer dans cette nouvelle « thébaïde » de l’austère Morvan, il n’a qu’un désir : aller prier le Cœur de Jésus à Paray-le-Monial, à 115 kilomètres de là. Aucun obstacle sur sa route. Mgr d’Autun permet qu’il entre dans la clôture de la Visitation. Il se fait conduire dans la première chapelle dédiée au Sacré-Cœur, puis devant la châsse de Marguerite-Marie tout juste déclarée vénérable. En ce 9 octobre 1849, il la prend « comme seconde Mère de la Pierre-qui-Vire, après la Vierge Marie ».
Évidemment, par une certaine suffisance et vanité, un religieux bénédictin ombrageux, se prévalant des rescrits du pape Grégoire XVI, va s’étonner qu’un pauvre prêtre de l’Yonne puisse prétendre à se dire bénédictin. Jean-Baptiste Muard répondra humblement qu’il ne désire rien d’autre que la Règle de saint Benoît pour règle de vie et que ses frères ne prennent le nom de « bénédictins prêcheurs » que pour dire leur modeste mission. Très vite d’ailleurs, on dira « bénédictins du Cœur de Jésus » ou « cordistes ». Le Père Muard prend pour nom « Frère Marie-Jean-Baptiste du Cœur de Jésus ».
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Retrouvez l’article complet dans notre numéro spécial consacré au Sacré-Cœur.