Les amis de ce pays cité soixante et onze fois dans la Bible, ceux qui se soucient du sort des chrétiens d’Orient, le savent bien : le Liban est un pays chroniquement fragile, cent fois menacé de disparition, victime de ses violences fratricides et des guerres extérieures, autant que des carences de ses dirigeants. Par quelle intercession miraculeuse est-il encore debout ?
L’État libanais est défaillant, son économie est en faillite. Sa monnaie ne vaut plus rien – le taux d’inflation dépasse les 220 %. Plus du tiers des Libanais vivent désormais sous le seuil de pauvreté : moins de 4 dollars par jour ! Incapable de mener les réformes nécessaires pour sortir du marasme, le Liban ne peut prétendre aux milliards de dollars d’aides promis par la communauté internationale. Vivant au jour le jour, les Libanais n’ont plus confiance dans leurs institutions – à l’exception de l’armée.
Ses forces vives quittent le pays
Ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants s’enorgueillit encore de l’appui de sa diaspora, près de 10 millions de personnes. L’an dernier, ses expatriés lui ont versé 6,7 milliards de dollars – soit 30,7 % du PIB libanais. Mais cette aide a un effet pervers : la diaspora attire irrésistiblement les Libanais qui rêvent d’une vie meilleure. Le Liban se vide de ses professions médicales, de ses ingénieurs, de ses jeunes les plus prometteurs. Ces départs affaiblissent surtout la communauté chrétienne – 30 % de la population – dont le poids démographique diminue inexorablement.
« Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message », avait dit le pape Jean-Paul II dans une lettre apostolique de septembre 1989. Ce « vivre ensemble » d’un pays riche de 17 communautés n’est plus qu’un lointain souvenir. Plus fragmenté que jamais par sa logique clanique, le système politique est à bout de souffle. Sans président depuis la fin du mandat de Michel Aoun, en octobre 2022, doté d’un gouvernement intérimaire sans légitimité, le pays a glissé sous le contrôle du parti chiite Hezbollah, mouvement politique et milice armée autoproclamée « Résistance nationale » – à Israël –, dont l’agenda est calé sur les intérêts stratégiques de l’Iran.
La loi du Hezbollah
La population libanaise subit sa loi plus qu’elle n’y adhère. Un récent sondage cité par le quotidien L’Orient-Le Jour le prouve. Le Hezbollah n’est un « héros » que pour les seuls chiites – 85 % d’entre eux lui font confiance – : mais 9 % seulement des sunnites et des druzes et 6 % des chrétiens lui font confiance. Placé sur la ligne de front brûlante entre Israël et le Hezbollah, le Liban est encore une fois l’otage d’une guerre qui n’est pas la sienne. Ce que dit très bien Samir Geagea, le chef du parti chrétien des Forces libanaises : il accuse le Hezbollah, « État dans l’État », de « confisquer la décision des Libanais concernant la guerre et la paix… C’est une guerre que les Libanais ne veulent pas… qui ne sert pas le Liban ».
Obéissant à l’Iran
Le renforcement des capacités du Hezbollah et la détermination existentielle d’Israël rapprochent le Liban d’un nouvel embrasement. Si le Hezbollah hésite, pour ne pas connaître le sort du Hamas, écrasé par onze mois de frappes israéliennes, il obéira le jour venu à l’Iran, son maître politique et financier. Tout indique que l’affrontement sera encore plus meurtrier que la guerre de l’été 2006 – 1 500 civils libanais tués, 1 million de personnes déplacées, 6 milliards de dollars de dégâts. Comme lors des guerres précédentes, l’avenir du Liban est suspendu aux décisions des fauves qui l’entourent ou qui l’occupent.