Où en est le « hors-contrat », en cette rentrée scolaire ?
Michel Valadier : Nous avons recensé 2 550 établissements libres « hors contrat », dont une centaine de nouveaux établissements ce mois-ci. Cela représente 130 000 élèves scolarisés et confirme la tendance observée depuis vingt ans : en 2014, il y avait environ 1 000 écoles pour 50 000 élèves.
Comment expliquer ce dynamisme ?
Il prend sa source dans l’évitement des écoles du public et du privé « sous contrat ». Les familles, en général, sont lassées de l’échec de la transmission des savoirs les plus élémentaires : écrire, lire, compter. Et bon nombre de familles catholiques se détournent des écoles privées « sous contrat » dont beaucoup ont réduit l’enseignement de la foi à peau de chagrin. Elles scolarisent leurs enfants dans le « hors-contrat » car elles ont les mêmes aspirations, simples, que ceux qui les ont fondées : commencer les cours du matin par la prière, intégrer le catéchisme dans l’emploi du temps, choisir des textes littéraires en fonction du vrai, du beau et du bien…
L’accélération tient aussi à la croissance du nombre d’écoles : créer une école, ce n’est pas si compliqué que ça ! Chaque année, nous proposons trois sessions de formation pour les créateurs d’écoles, constituant un réseau et démystifiant la difficulté.
Néanmoins, certains de ces créateurs jettent l’éponge car il semble difficile d’en vivre…
Il est vrai que l’un des freins potentiels est la question financière. Pour l’école, les coûts d’entretien (chauffage, électricité), de loyer, couplés à la masse salariale des employés, sont un enjeu important d’autant qu’il se traduit, pour les parents, par un coût de scolarité qui peut être trop élevé pour eux. Le prix moyen d’une scolarité est d’environ 2 100 euros par an.
Le « contrat simple », que les établissements du primaire peuvent contracter avec l’État, peut-il être une solution ?
Oui et nous y sommes favorables. Après cinq années d’existence et sous réserve de certaines conditions, les établissements peuvent demander ce contrat, qui n’est pas aussi contraignant que celui des écoles « sous contrat ». Il prévoit la prise en charge par l’État de la masse salariale des professeurs, permettant aux écoles de baisser leurs frais de scolarité. D’autre part, il rassurerait les pouvoirs publics qui verraient cela comme un signe de bonne volonté de la part des écoles libres.
Qu’en est-il de l’éventuelle difficulté à ouvrir des écoles ?
Un curieux phénomène s’est déroulé. Il y a une dizaine d’années, l’administration a durci les conditions d’ouverture et d’exercice des écoles hors contrat : pour en ouvrir une, il faut déposer un dossier, transmettre les diplômes des professeurs, présenter son projet pédagogique, etc. Loin de décourager les fondateurs sérieux, cela a obligé les créateurs d’écoles à se professionnaliser et à tenir une approche rigoureuse.
Comment faire tenir une école dans la durée ?
Il faut être professionnel, raison pour laquelle la Fondation pour l’école accompagne les écoles nouvellement créées, notamment dans les cinq premières années, pour qu’elles aient une gouvernance qui dépasse le stade du groupe d’amis qui s’entend bien ! Ensuite, il faut une cohérence : il faut que les personnes recrutées – et les parents – adhèrent et incarnent le projet.
Il faut aussi que l’école soit accessible géographiquement parlant. Nous avons constaté que, dès lors qu’une école est fondée et fonctionne bien – c’est-à-dire qu’elle est sérieuse et possède une bonne réputation –, des familles vont venir s’installer à côté, créant comme un « nid » autour de l’établissement et renforçant ainsi son ancrage.
Il y a un an, vous faisiez état d’un climat de tension avec la multiplication d’inspections d’écoles assez vives. Qu’en est-il aujourd’hui ?
À la suite de ces inspections, nous avions été entendus par le cabinet de Gabriel Attal, qui était alors ministre de l’Éducation nationale et qui avait entendu notre cause. Nous n’avons, en revanche, eu aucun contact avec Nicole Belloubet qui lui a succédé. Pour autant, on peut dire que les inspections de l’année scolaire qui vient de s’achever, qui concernaient les écoles, se sont globalement bien passées. Elles n’ont rien à voir avec les inspections pratiquées en ce moment dans le « sous contrat », qui concernent les professeurs, où certains inspecteurs se transforment en commissaires politiques.
LE SOUS CONTRAT EN MAL D’IDENTITÉ
La volonté des chefs d’établissement sous contrat d’assumer clairement, ou plus discrètement, le caractère confessionnel de l’enseignement se heurte à une loi restrictive. Ainsi, l’assistance à la messe, ou à la confession, ne saurait être rendue obligatoire au nom du « respect total de la liberté de conscience [des enfants] », selon l’article 442-1 du Code de l’éducation. Il en est de même pour le catéchisme qui doit être « facultatif ». C’est d’ailleurs l’un des reproches fait à l’établissement parisien Stanislas en janvier 2024 : dans leur rapport, les inspecteurs avaient noté le « caractère obligatoire de la catéchèse », ce dont l’établissement s’était défendu, préférant évoquer non pas une catéchèse mais une « présentation de la foi chrétienne ». Une subtilité qui illustre la situation délicate dans laquelle se trouve l’enseignement privé, autorisé à afficher sa foi catholique… à condition qu’elle reste une proposition parmi d’autres.
Pour aller plus loin :
- Paul VALADIER - Lueurs dans l'histoire, Revisiter l'idée de Providence – Paris – Salvator – février 2017 – 190 p. 20 €
- EN LISANT MONSIEUR MEXANDEAU : VIVE L’ÉCOLE PLUS LIBRE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- La liberté de l’enseignement supérieur