Le général de Castelnau est le « grand homme » de Saint-Affrique où il a sa statue. On oublie que celui qui fut un des grands chefs militaires de la guerre de 1914-1918 est issu d’une des plus vielles familles du Nord Aveyron. Ce sont ces deux aspects qui seront examinés dans les deux parties suivantes. Le général Edouard de Castelnau descend en droite ligne d’une des plus anciennes familles nobles du Haut Rouergue et même de France. Les familles de la noblesse française du temps de l’Ancien Régime se définissent par leurs noms, leurs titres, les châteaux, qu’elles ont occupés et la généalogie des porteurs du nom successifs. I Le nom La maison des Curières tire son nom d’un petit village situé sur les pentes de l’Aubrac. Etymologiquement, Curières vient du mot latin « curia » qui peut désigner une villa romaine ou gallo romaine, c’est-à-dire une exploitation agricole, confiée à un légionnaire – proximité de la voie romaine – qui prend racine dans le pays, et passée dans les mains d’un chevalier qui en adopte le nom. Dans ces périodes de guerre et de pillage, d’invasions barbares qui suivent la chute de l’empire romain, le chevalier est un homme d’armes qui protège les habitants qui cultivent ses terres, viennent habiter près du château et y abriter leurs récoltes ; il conforte cette sécurité en étant le vassal d’un personnage, plus important, son suzerain. Les Rois émergent comme étant les suzerains des suzerains. En échange de cette sécurité, les serfs doivent payer l’équipement du chevalier et de ses hommes d’armes, ainsi que les frais entraînés par le départ en croisade ou le mariage de sa fille. Les Curières étaient donc des chevaliers du monde féodal et au 12e siècle, il n’y a qu’une seule famille qui porte ce nom en Rouergue. Géraud de Curières et son frère Hugues participent à la 7e Croisade (1248-1254) sous les ordres de leur suzerain, le comte de Poitiers et de Toulouse et du roi Saint Louis qui a lancé cette croisade. Ce sont eux qui ont rapporté un exemplaire de la Sainte Epine de la couronne de dérision du Christ ; on suppose qu’elle leur a été donnée par Saint Louis en récompense de leurs services ; ils l’ont déposé dans l’église de Saint Eulalie d’Olt où elle donne lieu, chaque année en Juillet, à une procession costumée. Les Curières, pour se distinguer entre eux, faisaient suivre leur nom patronymique du nom d’une des terres qui leur appartenaient : Saint Eulalie, le Pouget, le Cambon,… C’est donc Jean-Baptiste Géréon de Curières (1734-1799), introduit à la Cour, nommé grand Fauconnier du Comte d’Artois, qui, pour se distinguer de son père – qui venait d’acheter la baronnie de Saint Côme – prit le nom d’une terre de la famille, celle de Castelnau de Mandailles. Ce nom assez courant – il signifie château neuf – était porté par plusieurs familles du Sud Ouest : les Castelnau d’Apcher, les Castelnau-Bretenoux, les Castelnau-Mauvissière. Mais elles étaient toutes éteintes ou n’avaient pas fait d’objection à ce qu’un Curières s’appelât Castelnau. Jean-Baptiste Géréon, après une carrière militaire brillante, entre dans la diplomatie. Soldat, courtisan, diplomate, le baron de Castelnau a tracé dans une correspondance riche et souvent mordante, le tableau d’une société où apparaissent la plupart des grands personnages des dernières années de la Monarchie. Partageant son temps entre Genève où il représente, pendant dix ans, le Roi comme Ministre Résident, et Versailles, il donne dans de nombreuses lettres à son père – demeuré à Saint Côme – une image vraie des intrigues de la Cour – où il essaie de pousser les fils de familles rouergates – et des vains efforts de Louis XVI pour faire face aux désordres des finances publiques. Admis aux honneurs de la Cour en 1773 – ce qui était réservé aux seuls gentilshommes d’une ancienneté familiale reconnue – Jean-Baptiste fit partie officiellement du monde privilégié qui entoure le souverain et, à travers lui, c’est toute sa famille qui en est honorée. Ministre Résident à Genève jusqu’en 1790, puis maréchal de camp des armées royales, le baron de Castelnau resta fidèle à son roi ; il devient agent du Comte d’Artois auprès duquel il vint résider en Angleterre, où il mourut en 1799. C’est lui qui fit connaître le nom de Castelnau à la fin du 18 siècle avant que le général Edouard ne lui donne au 20e siècle une renommée encore plus grande. II Les Titres Les Curières appartenant à la noblesse d’extraction chevalière ne portaient pas de titres autres que celui de chevalier, écuyer ou damoiseau : la noblesse était un état et non un titre. Ses deux principaux fondements étaient la richesse foncière jusqu’au 13e siècle et la valeur militaire. Les armes des Curières étaient « un lévrier sur champ d’azur » et leur devise : currens post gloriam semper ». Ce qui importait sous l’Ancien Régime, c’était l’ancienneté de la famille : à partir de quand, des documents faisaient-ils état de la présence en quelque lieu d’un membre de la famille ? En l’occurrence pour les Curières, c’était la 7e Croisade. Les titres étaient décernés par le roi en récompense des mérites de personnes de la noblesse la plus ancienne. En 1741, Jean-Baptiste de Curières (1703-1794), ayant hérité d’un oncle décédé sans postérité, acheta au marquis Louis de Bourbon-Malauze, les terres et la baronnie de Saint Côme d’Olt ; en vertu de la loi de dévolution des titres, l’acheteur, moyennant le paiement d’une taxe, et pourvu qu’il soit de haute noblesse, pouvait prendre le titre et le transmettre. C’est ainsi que Jean-Baptiste de Curières devînt baron de Saint Côme. C’est pour se distinguer de son père que Jean-Baptiste Géréon, déjà cité, prit le nom de Castelnau et le titre de baron. En septembre 1747, Louis XV, compte tenu de l’ancienneté de la famille et des services qu’elle avait rendus dans les armées royales pendant 15 générations, érigea par lettres patentes, la baronnie de Saint Côme en marquisat-héréditaire. Jean-Baptiste Géréon ne porta pas le titre de marquis, son père ayant vécu très âgé. III Les châteaux La famille … Lire la suite de Le général de Castelnau
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