Le drame et le dogme - France Catholique
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Le drame et le dogme

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J’ai récemment vu sur les médias sociaux une demande afin que les gens disent pourquoi ils étaient chrétiens en cinq mots ou moins. J’ai été tenté de paraphraser la raison du catholicisme de Chesterton et d’utiliser trois mots : « C’est vrai ». Puis je me suis souvenu que le romancier Walker Percy, converti au catholicisme, avait répondu à la question de savoir pourquoi il s’était converti au catholicisme : « Qu’y a-t-il d’autre ? »

Existe-t-il une plus grande déclaration de mission, dont chaque paroisse semble avoir besoin, ou un meilleur plan d’évangélisation ? Il n’y a, bien sûr, qu’un seul véritable énoncé de mission, la « Grande Demande » du Christ dans l’Évangile de saint Matthieu. Face aux alternatives offertes à l’homme du XXIe siècle – la religion verte, la révolution sexuelle, le nihilisme ou le retour au communisme, voire tout faux espoir dans une solution politique aux besoins de l’homme – la question « Qu’y a-t-il d’autre ? » exprime bien la vérité de la foi catholique.

Le « qu’y a-t-il d’autre ? » du catholicisme implique une croyance passionnée, non seulement envers le dogme mais également, comme le dirait Dorothy L. Sayers, envers le « drame ». Au cœur du drame se trouve la liturgie, les mystères divins. Sans le dogme, il n’y a pas de drame. Une orthodoxie solide, comme l’a décrite Chesterton, est donc le combustible qui allume le feu.

Sans entrer dans la polémique, soixante ans après l’ouverture du Concile, nous devrions honnêtement examiner l’effet de la sécularisation sur le drame et le dogme.

Benoît XVI, dans l’un de ses écrits, a fait référence aux paroles de l’écrivain Eugène Ionesco, l’un des fondateurs du théâtre de l’absurde. En 1975, Ionesco décrivait la sécularisation qu’il avait vécue dans l’Église comme « vraiment pitoyable ». Il ajoutait qu’alors que « le monde se perd, l’Église se perd dans le monde ». Des mots datant d’il y a près de cinquante ans et qui sonnent remarquablement bien aujourd’hui.

Benoît XVI a proposé une solution, répondant à Ionesco : l’Église contemporaine a besoin du « courage d’embrasser ce qui est sacré » et non ce qu’il a appelé « l’officialité banale ».

La réponse d’une grande partie de l’Église à la pandémie de coronavirus a révélé beaucoup d’« officialité banale ». Elle a révélé ce qui se cachait sous la surface depuis un certain temps, dans les mondes sacré et séculier.

Dans le monde séculier, l’État, toujours envahissant, a étendu son contrôle par des lois draconiennes sur tous les aspects de la vie dans ce que beaucoup avaient naïvement cru être des démocraties libérales. Malheureusement, dans l’Église, il y a aussi beaucoup de choses qui semblent banales et superficielles. Ionesco a décrit le monde d’alors, comme celui d’aujourd’hui, comme étant « en mouvement », « rien ne nous est laissé, rien n’est solide », mais « ce qu’il nous faut, c’est un rocher ».

Lorsque le monde est en mouvement, lorsque rien n’est solide, l’Église doit être le roc, présentant le dogme et le drame du catholicisme à ceux qui cherchent la vérité.

À une autre occasion, Walker Percy a fait remarquer que le monde occidental était « tellement corrompu et ennuyeux » que, finalement, les jeunes « en auront assez et chercheront quelque chose d’autre ». Les véritables périphéries de la société laïque moderne se trouvent parmi ceux qui recherchent le bien, le vrai et le beau. Il n’est pas utile d’offrir de la bouillie alors qu’il faudrait de la viande forte, tout comme il est inutile de nier l’existence d’un problème.

Dans le livre d’Edward Pentin, Le Prochain pape, le cardinal Willem Eijk est cité (avons-nous le droit de dire « j’aime bien Eijk »). Le cardinal compare le travail de l’évêque aujourd’hui à celui d’un météorologue : « Un évêque a de nombreuses tâches, mais prétendre que le beau temps va arriver n’en fait pas partie. » Il poursuit en disant qu’« un véritable front de tempête est en train d’arriver », en disant que nous ne devrions pas encourager une retraite passive dans l’obscurité, ou un aveu que la mission est vaincue. C’est tout le contraire qui doit se produire ; l’Église doit à nouveau être proposée dans toute sa vérité et sa beauté.

Il est possible qu’un front de tempête s’annonce, certainement pour une grande partie de l’Europe occidentale, et de plus en plus pour les États-Unis. Mais la prophétie du cardinal, si elle est affrontée avec réalisme, discernement et zèle apostolique, offre à l’Église un moment idéal pour convaincre le monde qu’il y a vraiment une réponse à la question « Qu’y a-t-il d’autre ? ».

Il faudra pour cela une direction courageuse et orthodoxe, une vision et une créativité authentique, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans les rassemblements de masse des successeurs des apôtres. Il ne s’agit évidemment pas que du clergé. Nous voyons déjà beaucoup de créativité, d’orthodoxie et de vision de la part des fidèles laïcs : dans les médias, les universités et bien d’autres domaines.

Existe-t-il un meilleur moment, alors que le monde est en mutation – avec des nuages de guerre tout autour, des gouvernements introduisant des lois sur l’euthanasie, et des questions fondamentales sur la mortalité et la place de l’humanité sur cette terre, grandement exacerbées par la pandémie – pour que l’Église proclame l’Évangile de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, et la véritable espérance qu’apporte l’Évangile ?

C’est le moment d’offrir le réconfort et la beauté, l’expérience de la transcendance, du vrai culte, pour que les paroisses soient des écoles de prière, comme l’a encouragé le pape Benoît. Plutôt que de verrouiller littéralement ou métaphoriquement les portes, il est temps de les ouvrir pour révéler le sacré, avec à la fois le dogme et le drame comme pierres de fondation d’une société renouvelée.

Le courage d’embrasser le sacré implique de présenter à ceux qui sont « malades » de ce que le monde a à offrir, non pas, comme l’a écrit Benoît XVI, la « confirmation » du monde, mais le « radicalisme de l’Évangile ».

Le monde, ou du moins l’Occident, est peut-être « déjà une épave », comme l’a fait remarquer un jour Whittaker Chambers à William F. Buckley Jr. Mais au moins, nous, les croyants, pouvons être des gens, a dit Chambers, qui « à la grande tombée de la nuit, ont pensé avec amour à préserver les signes de l’espoir et de la vérité ».

Source : https://www.thecatholicthing.org/2024/11/22/the-drama-and-the-dogma/

Père Benedict Kiely, traduit par Bruno