Le Doliprane sous pavillon américain - France Catholique
Edit Template
100 ans. Donner des racines au futur
Edit Template

Le Doliprane sous pavillon américain

La vente d’une filiale du groupe français Sanofi à un fonds d’investissement américain, confirmée le 20 octobre, n’est qu’un symptôme d’un problème bien plus vaste.
Copier le lien

« Déléguer notre capacité à soigner à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. » C’était il y a quatre ans. En pleine épidémie de Covid, Emmanuel Macron affirmait la nécessité pour notre pays de recouvrer sa souveraineté sanitaire. Pénurie de médicaments, de masques, de vaccins… La pandémie avait révélé les fragilités de la France. Cet engagement, Emmanuel Macron l’a repris l’an dernier, en affirmant vouloir relocaliser la production de 450 médicaments essentiels. Puis en septembre, en visitant la nouvelle unité de production de vaccins implantée dans le Rhône par le groupe Sanofi.

C’est peu dire, au vu de ces déclarations, que la décision de ce géant pharmaceutique français de céder 50 % de sa filiale Opella à un fonds d’investissement américain – CD&R – passe mal. Car Opella produit, notamment à Lisieux et à Compiègne, le médicament le plus consommé par les Français : le Doliprane, en plus des pastilles Lysopaïne ou du Maalox contre les maux d’estomac. Le Doliprane sous pavillon américain ? Les syndicats sont vent debout. Des élus de tous bords avaient sommé le gouvernement de geler cette vente, invoquant le « décret Montebourg » qui autorise l’État à bloquer certaines transactions dans des secteurs stratégiques pour la souveraineté de la France. C’est ce qu’a fait Bercy en 2021, en mettant son veto à la vente de Photonis, une entreprise de systèmes de vision nocturne convoitée par les Américains.

Sanofi fait valoir qu’il a besoin de financer d’autres projets de développement et de recherche, plus innovants et plus rentables qu’un médicament en vente libre, comme l’ont fait ses concurrents étrangers. Sous la pression du gouvernement, le groupe a promis que la production et les emplois – 1 700 – seraient maintenus en France. Il est aussi prévu que l’État entre au conseil d’administration d’Opella, via la banque publique d’investissement, BpiFrance. Mais que se passera-t-il dans quelques années quand l’acquéreur voudra, comme c’est probable, tirer profit de son investissement en le revendant ?

« Doctrine de souveraineté »

Opella s’est aussi engagé à s’approvisionner auprès de la future usine de production de paracétamol – le principe actif du Doliprane – en construction dans l’Isère. C’est bien là le cœur du sujet. Si symbolique soit la vente de cette filiale, le problème se situe bien en amont car la molécule nécessaire à la production du Doliprane n’est plus produite en Europe depuis 2009 ! En clair, la France et ses voisins sont pour l’instant dépendants de la Chine et de l’Inde pour la fabrication de cet analgésique…

Début septembre, le Conseil d’État a présenté à Emmanuel Macron son enquête annuelle, sur la souveraineté nationale. « L’État doit construire une doctrine de la souveraineté afin d’inscrire dans le temps long certaines politiques », a dit son vice-président, Didier-Roland Tabuteau. Une certitude : le gouvernement ne pourra pas se dispenser d’une réflexion bien plus large sur sa stratégie industrielle…