«Un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 34). Cette scène de la Passion n’est mentionnée que par saint Jean dans son Évangile. Les théologiens l’ont souvent lue à la lumière de la prophétie de Zacharie : « Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10). À travers les siècles, la voie de la « mystique du cœur » a exploré cette ouverture de la divine et humaine poitrine du Christ, « blessé afin que, par la blessure visible, nous voyions la blessure de l’amour invisible », écrivait saint Bonaventure (1121-1274).
« Mon désir était infini »
Le Christ lui-même est venu révéler ce mystère insondable à sainte Catherine de Sienne (1347-1380) – l’une des plus grandes mystiques du Sacré-Cœur – alors qu’elle lui demandait, au cours d’une apparition, pourquoi il avait désiré que son Cœur fût transpercé, après avoir déjà souffert sa Passion et après sa mort. « Mon désir du genre humain était infini, lui répondit le Seigneur, alors que les tourments et les souffrances que j’endurais étaient finis. Aussi n’est-ce point avec ce qui était fini que je pouvais vous montrer tout l’amour que j’avais pour vous, puisque mon amour était infini. Je voulus donc, en vous montrant mon côté ouvert, que vous voyiez le secret du Cœur, afin que vous voyiez que j’aimais beaucoup plus que je ne pouvais le montrer avec ma souffrance finie… »
« Déchiré par amour »
Cette ouverture du Cœur est la démonstration sublime de l’amour divin dans laquelle les mystiques ont aussi vu la fente du rocher offrant refuge aux pécheurs, aux assoiffés d’amour, aux éprouvés… « Sois le rocher qui m’abrite, la maison fortifiée qui me sauve », chante le psaume 30. « Jésus, ma douce espérance ! Que votre divin Cœur, déjà déchiré par amour pour moi et ouvert pour tous les pécheurs, soit l’asile assuré de mon âme ! », supplie sainte Gertrude de Helfta (1256-1302).
« Ce côté sacré »
De cette ouverture s’écoulent les flots de la miséricorde divine, contenue dans le Cœur du Christ, en réponse à la blessure infligée par les péchés et les ingratitudes des hommes, comme l’annonçait l’Ancien Testament : « Il ouvre le rocher : l’eau jaillit, un fleuve coule au désert », dit le psaume 104 ; « L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison » (Ez 47, 1). C’est par cette plaie que le croyant peut être abreuvé de miséricorde, véritable lait du Ciel s’écoulant de la poitrine du Christ, tel un sein maternel, comme y incitait Catherine de Sienne : « Allons au Cœur de Jésus, nous y découvrirons tous les secrets de son amour. La blessure de son divin côté nous y introduira. Appliquons nos lèvres sur ce côté sacré du Fils de Dieu ; de là s’échappent le feu de la charité et le sang qui lave nos péchés. »
Ce transpercement du Cœur est donc un sujet de contemplation sans fin pour le croyant. La sainte siennoise avait compris que c’est dans cette ouverture même que « se manifeste le secret du Cœur du Fils », invitant les croyants à s’insérer « dans le flanc ouvert du Fils de Dieu », dans lequel elle voyait « une bouteille ouverte, pleine d’odeur au point d’embaumer le péché ».