Juste au-dessus de l’autel papal, « dans la plus belle église de la plus belle religion du monde » (Stendhal), l’immense baldaquin de bronze de Bernin aimante les foules. La perspective qu’il forme avec la chaire de saint Pierre, au fond de la basilique, est l’une des plus belles de l’architecture chrétienne. Elle s’enchaîne à merveille avec la place que le visiteur vient de traverser, sa colonnade et ses fontaines, œuvres également de Bernin. Cet ensemble grandiose et magistral est en quelque sorte l’emblème du catholicisme.
Gianlorenzo Bernini (Naples, 1598-Rome, 1680), en français Bernin ou le Cavalier Bernin – ou encore le Bernin pour souligner sa notoriété – est le plus grand architecte et sculpteur de la Rome baroque. Et Rome ayant été la grande inspiratrice de l’art en Europe durant les deux premiers tiers du XVIIe siècle, son influence rayonna bien au-delà de l’Italie.
Parmi les génies précoces, beaucoup connaissent Mozart, voire Raphaël et Dürer, peintres de grand talent dès 10 ou 12 ans. Mais qui sait que Gianlorenzo sculptait ses premières statues en marbre dès l’âge de 8 ans ? Son père, lui aussi sculpteur, travaillait pour le cardinal Borghese, neveu du pape Paul V. Celui-ci prend le jeune Bernini sous sa protection. C’est le début d’une carrière longue de soixante-dix ans : le sculpteur – et bientôt architecte – mettra son art au service de six papes, tous désireux de faire de Rome la capitale artistique de la chrétienté.
« Un artiste sublime », selon Urbain VIII
Paul V le confie d’abord au cardinal Barberini – le futur Urbain VIII – qui lui permet de copier les collections de sculptures des papes, à l’époque inaccessibles au public. L’amitié qui liera les deux hommes pendant plus de vingt ans sera, pour Bernin, la source d’une intense production. Urbain VIII le considère comme « un homme exceptionnel, un artiste sublime, né par la grâce de Dieu et pour que la gloire de Rome illumine le siècle ».
La mort de ce pape, en 1644, et les difficultés financières du Saint-Siège vont espacer les commandes, sans entamer l’intense activité de Bernin dont le génie virtuose se déploie dans de nombreuses églises. Joyau de Santa Maria della Vittoria, La Transverbération de sainte Thérèse (1646) est sans doute le sommet de son œuvre sculpturale (voir notre couverture). C’est en avril 1560, à 45 ans, que Thérèse de Jésus, au couvent de l’Incarnation d’Avila, reçut le transpercement de son cœur par un chérubin. Nul mieux que Bernin n’a su évoquer l’extase dans le marbre. « À travers le marbre transfiguré qui palpite, on voit luire comme une lampe l’âme inondée de félicité et de ravissement », écrit Hyppolite Taine dans son Voyage en Italie (1866).