Laïcité : de l’anticléricalisme à l’anti-christianisme - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Laïcité : de l’anticléricalisme à l’anti-christianisme

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© Arthur Weidmann /CC by-sa

Il n’est pas de jour où ne nous soyons rassasiés de « valeurs républicaines » ou d’hymnes à la République. Tout se passe comme si de telles invocations constituaient des moyens de survie à travers nos pires difficultés. En un certain sens, cela se justifie. Qu’est-ce que la République ? Étymologiquement, la res publica, la « chose publique » qui renvoie au souci primordial de l’intérêt général, ou pour mieux dire, du bien commun.

De ce point de vue, on peut se référer à un classique comme notre compatriote Jean Bodin (1529-1596) qui, au temps des guerres de Religion, avait rédigé les six chapitres de son livre, La République, dont on se rappelle la formule : « République est un droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. » Si la souveraineté est le caractère premier de l’instance politique, Bodin s’oppose néanmoins à ce qu’elle soit contraire « aux lois de Dieu et de la nature ».

« Les deux France »

Est-ce à dire que les valeurs républicaines actuelles recoupent exactement cette philosophie ? La République, née de la Révolution française, s’en distingue par ses aspects foncièrement antireligieux, qui iront jusqu’à la campagne radicale de déchristianisation de l’an II. Les deux siècles suivants seront marqués par une lutte sévère entre ce qu’on a appelé « les deux France », avec volonté de s’en prendre à l’emprise catholique sur la société, notamment à travers l’école. La loi de séparation de 1905 a voulu clarifier les relations du temporel et du spirituel. D’elle est née une certaine conception de la laïcité, distincte d’une hostilité au religieux.

Si cette laïcité est garante de la liberté de conscience, on peut lui reconnaître bien des avantages. Cependant, elle est loin d’avoir dissipé toutes les difficultés conceptuelles et pratiques. Comme l’écrivait Pierre Manent dans un essai plutôt percutant (Situation de la France, De Brouwer 2015) : « La laïcité est un dispositif de gouvernement qui n’épuise pas le sens de la vie commune, et qui d’ailleurs lui donne une représentation abstraite et fort pauvre. On n’habite pas une séparation. »

Le mantra « laïcité »

Force est de reconnaître que la récitation du mantra laïcité au même titre que celui de République ne résout pas les problèmes. On s’en aperçoit justement avec l’islam, devenu seconde religion du pays. On peut certes invoquer les vertus civiques nécessaires que tous doivent respecter. Mais qu’en est-il, par exemple, de l’espace public et de la libre expression des convictions ? Lorsqu’Émile Poulat défendait une notion prudentielle de la laïcité, il savait que subsistaient des notions idéologiques, parfois totalisantes, et même agressives. Nul ne pourra faire croire que l’opposition de la Libre pensée aux crèches des mairies s’inspire d’une idée apaisée de la vie sociale.

Un Gilles Kepel, observateur lucide de l’expansion de l’islamisme, se montre, sous un autre mode, adversaire de l’expression publique du christianisme et de son influence civilisatrice, en assimilant encore dans son dernier essai (Prophète en son pays, éditions de l’Observatoire) Jean-Paul II et le cardinal Lustiger avec les représentants de l’extrémisme musulman. La seule idée de nouvelle évangélisation lui est insupportable.

Mais l’hostilité peut monter en intensité. On s’en aperçoit avec l’offensive actuelle contre le collège Stanislas, qui avoue en fait une hostilité radicale envers une identité clairement chrétienne. De ce point de vue, il y a plus qu’une évolution du combat laïque, mené encore au début du premier septennat de François Mitterrand contre la liberté de l’école catholique. À l’époque, c’était encore l’expression d’un anticléricalisme militant. On est passé aujourd’hui à un anti-christianisme qui s’avoue de plus en plus comme tel.