La véritable royauté - France Catholique
Edit Template
Noël : Dieu fait homme
Edit Template

La véritable royauté

Copier le lien

Ecce Homo, entre 1860 et 1880, Antonio Ciseri, musée Cantonal d’art de Lugano, Italie.

Que signifie être roi ? C’est le cœur de la conversation entre Ponce Pilate et Notre Seigneur (Jn 18, 33-37). Pilate se trouve là comme représentant de l’Empire Romain, possédant une part de l’autorité royale et désirant plus, voyant la royauté comme simplement posséder du pouvoir. Pour lui, un roi gouverne par la force. De l’autre côté, Jésus est là comme prisonnier : enchaîné, battu, ridiculisé. Il n’a pas de pays, pas d’armées, pas d’armes, pas d’alliés – aucune force d’aucune sorte. Et pourtant Il parle de Son Royaume.

Pilate, ayant son idée sur la royauté, demande avec incrédulité : « Alors tu es roi ? » Jésus donnant un autre sens au mot répond de façon ambiguë : « Tu dis que je suis roi… » Comme pour dire : « Tu veux dire une chose par ce titre… et je veux dire quelque chose d’autre. » Ensuite il clarifie ce quelque chose : « Car je suis né et venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité entend ma voix. » Il gouverne comme Roi non par la force des armes, non par l’intimidation et les menaces, mais par la vérité.

Un devoir fondamental d’un roi est d’instaurer son royaume et d’y maintenir l’ordre. Mais la façon de le faire est ce qui fait toute la différence. Pilate voudrait le faire par la force, en imposant simplement sa volonté à ceux qui sont sous ses ordres. Son ordre dépend des menaces et de la puissance. Par contre, Jésus apporte l’ordre en témoignant de la vérité. Lui, « le témoin fidèle » (Apocalypse 1:5), nous appelle à accepter Sa Royauté de vérité parce qu’il a d’abord souffert pour la vérité.

Dans la préface de cette fête, nous entendons Son Royaume être décrit comme « de justice, d’amour et de paix ». Chacun de ces qualificatifs dépendant de la vérité à laquelle Notre Seigneur porte témoignage. Sans la vérité, il n’y a pas de justice mais seulement la domination des forts sur les faibles. Sans la vérité, il n’y a pas d’amour authentique mais seulement de la sentimentalité. Sans la vérité, il n’y a pas de paix mais uniquement une trêve avec le mal.

Son Royaume est particulier au plus haut point. D’abord parce que Jésus est la vérité même. Nous ne connaissons pas pleinement la vérité tant que nous ne Le connaissons pas et ne sommes pas connus de Lui. Mais il est également particulier parce que Jésus désire apporter l’ordre dans nos âmes en nous gouvernant dans la vérité. Non en imposant Sa volonté, non en nous menaçant pour nous soumettre. Ce Roi désire que Ses sujets soient libres. Et son gouvernement les rend plus libres. En Le regardant, nous voyons que la vérité apporte réellement la paix intérieure, cette sorte de tranquillité que nous désirons tous.

Parce que nous savons tous qu’il y a du désordre en nous. Nos émotions luttent les unes contre les autres, chacune cherchant à prendre le dessus. La colère, l’impatience, l’envie, la luxure, l’avidité – toutes réclament la royauté. Nous ne faisons pas le bien que nous désirons faire mais finissons par faire le mal que nous détestons. Nous essayons de mettre de l’ordre à force de volonté. Et nous pouvons y parvenir un bref moment. Mais cela ne dure pas et nous prenons finalement conscience que nous avons besoin de quelqu’un d’extérieur pour mettre notre maison en ordre.

Donc, avoir le Christ pour Roi est premièrement une réalité personnelle : cela signifie permettre à Sa vérité de de régir tous les aspects de nos vies. La grande tentation est de L’avoir pour Roi, mais seulement partiellement. Peut-être qu’Il peut régner à temps partiel. Peut-être qu’Il pourrait être un monarque constitutionnel, un homme de paille dont nous reconnaissons l’importance tout en faisant à notre guise. Alors nous le coupons de certains domaines de nos vies : nos finances peut-être, ou le travail, la sexualité, les amitiés, les loisirs et ainsi de suite. Cela signifie en définitive que nous avons une vie désordonnée. C’est seulement un désordre compartimenté, alors cela semble plus joli… pour un temps.

Ensuite il y a la dimension sociale de Sa Royauté. Il est significatif que Notre Seigneur parle de Sa royauté à un gouvernant séculier, comme pour confirmer depuis le début que Sa Royauté a des effets temporels. Son Royaume n’est pas de ce monde mais il est dans ce monde. Jésus dit : mon royaume n’est pas ici. Une meilleure traduction serait : mon royaume n’est pas d’ici. Non, il ne dépend pas des forces de ce monde mais il est très présent dans ce monde.

Nous sommes toujours tentés de privatiser notre religion, de reconnaître le Christ comme Roi dans nos vies personnelles uniquement. Nous l’avons si bien fait que certains en ont conclu que nous n’avions plus besoin du droit d’exercice public de la religion ; il serait suffisant de l’avoir pour l’exercice privé. Cette fête a été instaurée précisément pour proclamer que le Christ-Roi devrait régir toute la société, que c’est seulement dans Sa vérité que les relations humaines trouvent leur ordre propre et leur but. Confiner sa Royauté au domaine strictement personnel revient à la nier.

Témoigner publiquement de sa Royauté n’est pas chose facile. Après tout, la norme dans ce domaine est Jésus-Christ, injustement condamné, se tenant devant Ponce Pilate. Nous trouvons les moyens pour le faire dans la prière post-communion de ce jour, qui parle de « se glorifier dans l’obéissance ».

De fait, nous pensons habituellement l’obéissance en termes de répression et d’obligation. Mais obéir au Christ-Roi est une chose glorieuse. C’est L’admettre dans nos âmes pour vaincre la domination du Mauvais, pour gouverner nos passions indisciplinées, pour établir Son Royaume et nous rendre réellement libres.

En retour, cette obéissance nous mène vers les autres pour, à Son exemple, porter témoignage de la vérité qui nous rend libres.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2024/11/24/true-kingship/

Père Paul D. Scalia, traduit par Bernadette Cosyn