« La politique, plus haute forme de charité » - France Catholique
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« La politique, plus haute forme de charité »

« La politique est la plus haute forme de la charité », affirmait la pape Pie XI en 1927. Ce qui crée certains devoirs aux catholiques, dans le domaine social et politique.
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© Pascal Deloche / Godong

Parler simultanément de politique et de religion à un catholique suscite la plupart du temps une certaine gêne. Certains jugeant sans doute qu’il convient de ne pas mêler l’une à l’autre depuis la séparation des Églises et de l’État, en 1905 ; d’autres, ayant abandonné tout espoir, préfèrent opérer un repli stratégique communautaire, délaissant de facto la politique. Mais est-ce là vraiment ce qu’enseigne l’Église ?

La royauté temporelle du Christ

En 1927, Pie XI affirmait, dans une célèbre citation, encore rappelée par le pape François en 2021, que « la politique est la plus haute forme de la charité ». Vertu théologale avec la foi et l’espérance, la charité relève de la grâce, c’est-à-dire du don gratuit de Dieu : on voit donc à quelle hauteur Pie XI élève la politique. « La citation de Pie XI ne se comprend que si l’on a en tête la finalité de l’engagement politique : le bien commun, commente Benoît Dumoulin, directeur d’Ichtus. La politique est la plus haute forme de charité dès lors qu’elle vise à permettre à chaque personne de s’épanouir librement afin que la société dans son ensemble vise le bien. »

À cela s’ajoute un autre critère, rappelé par le Catéchisme de l’Église catholique, citant l’encyclique Centesimus annus de Jean-Paul II (1991) : toutes les institutions – ou sociétés – doivent porter une vision chrétienne, au risque d’être, tôt ou tard, « amenées à chercher en elles-mêmes ou à emprunter à une idéologie leurs références et leur fin, et, n’admettant pas que l’on défende un critère objectif du bien et du mal, se [donner] sur l’homme et sur sa destinée un pouvoir totalitaire, déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire ».

Ces recommandations pointent tout droit vers l’encyclique Quas primas de ce même Pie XI.
Publiée il y a exactement un siècle, elle proclame la fête du Christ-Roi, affirmant que toute l’activité des hommes est à placer entre ses mains, au nom de sa royauté spirituelle… et temporelle.

« Il faut viser large »

« Cette encyclique a rappelé que la politique ne peut être simplement perçue comme la gestion des affaires courantes de la Cité, relève Philippe Darantière, président de l’association Notre-Dame de Chrétienté – dont le prochain pèlerinage de Chartres portera justement sur ce thème. Il faut viser plus large, avec une politique chrétienne qui intègre la dimension culturelle, celle des œuvres sociales et de charité, l’éducation… Et, à l’échelle du citoyen, cela implique de promouvoir les lois justes et contester les injustes. »

Mais concrètement, par où passe l’engagement en politique ? « Aujourd’hui, les partis politiques ne sont que des machines à prendre le pouvoir. L’exercice de responsabilité politique se fait avant tout dans le cadre de la société civile, ainsi que dans le cadre du devoir d’état » estime Benoît Dumoulin. D’autant que, depuis la parution de Quas primas en 1925, la société a changé, le poids des chrétiens s’étant démographiquement et politiquement affaibli. « Les chrétiens ont un rôle de témoin, qui doit être prêt à aller jusqu’au martyre, avance Philippe Darantière. Notamment dans la charité en actes : la charité envers les pauvres, les malades, envers la défense de la vie humaine de sa conception jusqu’à sa mort naturelle. »

Le danger de l’activisme

« Tous les chrétiens sont tenus de s’engager politiquement », disait aussi Pie XI, dans son « Discours aux représentants de la fédération universitaire italienne ». Reste qu’un danger guette toute action politique : l’activisme, c’est-à-dire la priorité donnée au court terme sur le long terme, dans une mauvaise hiérarchie des fins. « Pour éviter ce piège, il faut d’abord une vie d’oraison, en s’appuyant par exemple sur L’âme de tout apostolat », affirme Philippe Darantière. Dans ce classique de la littérature chrétienne rédigé en 1907, Dom Jean-Baptiste Chautard, trappiste de Sept-Fons, juge que « l’action, pour être féconde, a besoin de la contemplation ; celle-ci, lorsqu’elle atteint à un certain degré d’intensité, répand sur la première quelque chose de son excédent, et par elle l’âme va puiser directement dans le cœur de Dieu les grâces que l’action a charge de distribuer ».

En actes et en prière

« La justice procède d’abord non pas de la prière, mais de la conception droite des choses »
estime de son côté Benoît Dumoulin, pour qui l’exercice des vertus chrétiennes – comme la justice, la force, la prudence et la tempérance – est premier dans l’action politique.

Quelle que soit la hiérarchie que l’on opère, l’engagement politique semble ne pouvoir se nourrir que d’une vie chrétienne vécue en actes et en prière.