Les conférences de Carême de cette année à Paris, transférées provisoirement de Notre-Dame à Saint-Germain-l’Auxerrois, auront pour thématique « la mystérieuse musique des sacrements. Littérature et spiritualité ». Successivement six auteurs catholiques – Léon Bloy, Paul Claudel, Charles Péguy, Georges Bernanos, J.-K. Huysmans, Marie Noël – seront sollicités par de bons connaisseurs de leurs œuvres pour illustrer cette vie intérieure sacramentelle qui est la substance même du christianisme, conformément aux dons du Saint-Esprit confiés à l’Église.
Historiquement, la vocation de ces conférences est l’enseignement des fidèles. Mais ce ne sont pas les seuls purs théologiens qui sont habilités à rendre compte des réalités supérieures, mais aussi existentielles. Dieu se révèle comme Sauveur, comme Verbe, mais aussi dans la splendeur de sa beauté.
La gloire de la Croix
Cette dimension n’est certes pas absente de la culture chrétienne contemporaine. Hans Urs von Balthasar a ouvert sa considérable somme théologique par La gloire et la Croix, c’est-à-dire l’approche du mystère chrétien par la beauté. Une beauté qui n’ignore évidemment pas la béance du mal, objet de sa Dramatique divine. Les génies littéraires du christianisme, de saint Irénée à Charles Péguy, avaient déjà appelés à éveiller l’étonnement et l’admiration de l’homme « capable de Dieu ». De même, le Père dominicain Bernard Bro, qui collabora longtemps à ce journal, choisissait une voie analogue, en reprenant la formule célèbre de Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde. »
Grand lecteur de nos savants théologiens, il n’en mettait pas moins en garde contre le danger d’en rester aux concepts aussi parfaits soient-ils : « En rester sur Dieu à des concepts, même sublimes, est le signe indubitable qu’on a diminué Dieu, car on l’a rendu satisfaisant. » Sans doute aura-t-on toujours besoin des clés de la réflexion théologique pour nous nourrir et entrer dans la lumière : « Mais l’idée de la lumière ne sera jamais la lumière. »
Est-ce à dire que les écrivains, romanciers, essayistes et poètes, seraient supérieurs pour pénétrer cette lumière ? Ils seraient tous à protester avec véhémence contre une telle prétention. Péguy repoussait toute tentative d’être habillé en Père de l’Église. Néanmoins, ils ont cette grâce particulière d’envisager notre existence humaine la plus concrète dans la lumière de la foi. On a pu qualifier l’œuvre de Bernanos de « surnaturalisme intégral », à juste titre. Et cela, un André Malraux l’avait compris : « Comme Dostoïevski, il ne dispose que de la complicité la plus haute avec son lecteur. Il révèle le Christ qu’ils portent en eux, dirait-il : par ce qu’il y est. Reste qu’il y est aussi pour un agnostique. »
L’initiative parisienne pourrait bien constituer une invitation pressante à revenir au trésor de la culture chrétienne le plus authentique, car délivré des contaminations des mauvaises gnoses et des alignements idéologiques à la mode. L’évangélisation, dans l’attente de la Semaine sainte, pourrait y trouver la meilleure approche du mystère chrétien.