La longue histoire des psaumes - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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La longue histoire des psaumes

Omniprésents dans la vie chrétienne, les psaumes sont aussi d’une approche complexe. Mais ils forment un tout d’une étonnante puissance, qui nous emmène directement au Christ, avec le Christ.
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Le Roi David jouant de la harpe, Pierre-Paul Rubens (1577-1640), Fondation Barnes, Philadelphie, États-Unis.

Sous quel prisme aborder un continent aussi vaste que celui des psaumes ? Biblique ? Liturgique ? Peut-être, déjà, par leur dimension formelle. Composé de 150 textes distincts, le psautier est en effet un objet littéraire singulier, assurément le recueil poétique le plus ancien et le plus lu au monde. La dimension lyrique apparaît dans l’étymologie même du mot psaume, psaltèrion en grec, qui signifie « instrument à corde ».

Placé en tête des Écritures, la troisième et dernière partie de l’Ancien Testament après le Pentateuque et les Prophètes, le psautier réunit des poèmes composés sur plusieurs siècles et compilés entre le VIe et le IIe siècle avant Jésus-Christ. Le roi David, à qui la tradition les attribue, en aurait composé 73 selon les sources principales, c’est-à-dire environ la moitié du psautier.

On peut trouver ici et là dans la Bible des pièces comparables dans leur écriture ou leur lyrisme. Même dans le Nouveau Testament, les cantiques de Marie, Zacharie ou Syméon peuvent être apparentés aux psaumes. Mais le Psautier, stricto sensu, reste « le trésor de la lyrique religieuse d’Israël », comme l’indique son introduction dans La Bible de Jérusalem. Les psaumes étaient pour la majorité d’entre eux destinés à un usage liturgique au Temple de Jérusalem, comme en témoignent par exemple les indications précises qui peuvent figurer en tête de certains d’entre eux, pour préciser par exemple l’accompagnement instrumental souhaitable.

Diversité et unité

La longue histoire des psaumes, la variété des contextes de rédaction, leurs usages multiples, ne se heurtent pas pourtant à la profonde unité du recueil des psaumes. Trois genres principaux émergent de l’ensemble : les hymnes, les plaintes et les actions de grâce, auxquels on peut ajouter, dans une moindre mesure, les psaumes didactiques, à visée catéchétique. Ces trois registres correspondent assurément aux grands mouvements de l’âme face à son Créateur : la louange pure, l’appel à l’aide et l’expression de la gratitude. C’est le « reflet fidèle de l’expérience religieuse et de la mystique d’Israël », indique le Père Jean Lévêque, exégète et auteur de l’article consacré aux psaumes dans le Dictionnaire des religions (Presses universitaires de France, 1984), dirigé par le cardinal Poupard.

Cette diversité des psaumes, pourtant, peut décontenancer en premier abord. Comment réconcilier la délicate poésie de certains d’entre eux – « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu », ps. 41 ; « Je tiens mon âme égale et silencieuse, mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère », Ps 130 –, et les imprécations rugissantes que l’on peut lire dans d’autres – « Joie pour le juste de voir la vengeance : il lavera ses pieds dans le sang de l’impie », Ps 58 ; « Lève-toi pour visiter tous ces païens, sans pitié pour tous ces traîtres malfaisants », Ps 59 ? Cette apparente distorsion a d’ailleurs été utilisée par les ennemis de l’Église pour pointer une incohérence supposée dans les Écritures, ou encore, – sempiternelle critique – pour dénoncer la cruauté intrinsèque de la Bible, hâtivement tempérée par la miséricorde évangélique.

Une magnifique sincérité

Plutôt que de l’incohérence, sans doute est-il bien plus pertinent d’y voir une magnifique sincérité. Et c’est cette sincérité qui peut-être, fondamentalement, explique l’impression d’unicité qui se dégage du psautier alors que, comme le rappelle la Sœur Sophie Ramond, docteur en théologie, dans Les Psaumes (Cerf, 2021), « il résiste à toute tentative d’unification et les psaumes de chaque livre ne présentent pas des traits si uniformisés qu’on puisse prétendre réduire leur diversité à une unique perspective ».

Le psalmiste – pluriel en l’occurrence –, inspiré par l’Esprit Saint, ne dissimule rien des sentiments, de la joie à la colère, de la gratitude au reproche, qui peuvent l’habiter. Les psaumes ne constituent pas un recueil aseptisé à destination d’individus parfaits. « Il serait naïf de penser que [la] louange puisse naître hors du creuset des épreuves et des tentations qui jalonnent toute vie. C’est pourquoi le recueil donne voix à des cris divers. Il est un condensé des expériences possibles de l’homme avec Dieu et constitue en quelque sorte le résumé de toute la Bible », note encore Sœur Sophie Ramond. Les psaumes « sont la parole de Dieu que nous, les humains, nous utilisons pour parler avec lui », soulignait le pape François lors d’une audience générale, en octobre 2020. « On y trouve tous les sentiments. Tous. Les joies, les douleurs, les espérances, les amertumes qui colorent nos vies », ajoutait encore le Saint-Père.

On comprend dès lors pourquoi les psaumes, que leur récitation ou leur évocation par le Christ – jusque sur la Croix – rend plus sacrés encore, occupent une place centrale et irremplaçable dans la liturgie de l’Église. Tertullien et saint Hippolyte nous apprennent ainsi qu’ils étaient chantés dès le début des années 200 dans les assemblées chrétiennes, avant de se répandre largement à la faveur de l’essor du monachisme occidental. Après l’Incarnation, il est vrai, les psaumes ont accédé à une dimension supplémentaire et ineffable : résumé de la Bible, ils ont désormais été aussi entendus, explique encore le Père Jean Lévêque, comme « la voix du Christ s’adressant à son Père ou la voix de l’Église priant Dieu ou le Christ ».