La grande peur des Juifs de France - France Catholique
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Élections législatives : Comment reconstruire ?
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La grande peur des Juifs de France

Il était donc écrit que l’un des principaux thèmes de la campagne électorale consécutive à la dissolution serait l’antisémitisme. Le constat aurait quelque chose de surréaliste si, sur le terrain, il ne se traduisait par une réalité tragique.
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Lecture des prières de pénitence pour Selihoth.

« Prêts à voter pour le candidat RN au second tour. » © Pascal Deloche / Godong

Voici près de 35 ans, lors de l’affaire de Carpentras (1990), de toutes les tribunes, sur toutes les antennes, dans tous les manuels scolaires, les Français sont appelés à la vigilance la plus intransigeante face à la menace antisémite d’extrême droite, au prétexte maintes fois ressassé que « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». L’ascension de Jean-Marie Le Pen et du Front national annonçait, pensait-on, le retour des étoiles jaunes et des rafles. Qu’il y ait eu des accointances entre ce mouvement et l’antisémitisme, que les jeux de mots douteux du fondateur du FN aient exprimé un refoulé mal dissimulé, qu’il existe des groupuscules d’extrême droite qui ne dissimulent pas leur judéophobie, nul n’en disconvient.

Une séquence inimaginable

Cependant, de l’eau a coulé sous les ponts. Et même si, depuis le score réalisé par le RN aux élections européennes, on entend presque tous les jours que, volens nolens, on trouve des Waffen SS dans la généalogie du mouvement – en oubliant parmi ses membres d’antan, d’immenses résistants comme Camaret, Biaggi ou Vallette d’Osia –, personne d’honnête ne pourra nier que l’antisémitisme n’est plus, depuis longtemps, l’un des multiples ressorts de l’adhésion au mouvement à la flamme.

Aussi est-ce avec stupéfaction que les observateurs constatent, à l’occasion de cette séquence politique inimaginable, que certaines des figures les plus éminentes de la défense de la mémoire et de la communauté juives, se sont déclarées prêtes à voter pour le candidat RN au second tour, le 7 juillet prochain.

C’est le cas d’Alain Finkielkraut, dont le père a été déporté à Auschwitz. « Jamais je n’aurais imaginé voter un jour en faveur du Rassemblement national pour faire barrage à l’antisémitisme. Ce n’est pas encore le cas, mais peut-être y serai-je contraint à plus ou moins longue échéance s’il n’y a pas d’alternative. Ce serait un cauchemar », a-t-il expliqué dans Le Point (11/06), avant de préciser sa pensée dans Le Figaro (19/06) : « Je suis un adversaire résolu du Rassemblement national, mais il est absurde d’évoquer à son propos la “Bête immonde”, la “peste brune” ou le retour des vieux démons […]. Il faut s’y faire, le RN n’est pas un parti fasciste. Il doit être combattu pour ce qu’il est et non pour ce que l’on rêverait qu’il soit. »

En la matière, le revirement le plus spectaculaire est sans doute celui de Serge Klarsfeld, le « chasseur de nazis » dont le père est mort à Auschwitz, président de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France, qui, sur LCI (15/06), a annoncé qu’il voterait RN « sans hésitation » au second tour en cas de duel face à La France insoumise. Moins médiatique que Finkielkraut ou Klarsfeld, on notera aussi le propos similaire tenu sur BFMTV (20/06) par Daniel Knoll, le fils de Mireille Knoll, assassinée en 2018 à l’âge de 85 ans.

Frontières poreuses

Si cette question divise la communauté juive, le viol ignoble dont a été victime une jeune fille de 12 ans à Courbevoie, le 15 juin, pour des motifs antisémites, pourrait bien faire basculer les juifs encore hésitants vers un vote RN.

Ces prises de position spectaculaires exposent au grand jour une réalité que beaucoup ne veulent pas admettre. L’antisémitisme existe bien en France, mais il trouve sa sève non chez les sympathisants de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, mais dans les rangs de l’ultra-gauche, où il prospère depuis longtemps. Cet antisémitisme rouge – dit « antisionisme » – a noué une alliance avec l’antisémitisme vert – islamiste – pour distiller un poison aussi répugnant que toxique, potentiellement criminel. Car la frontière est poreuse entre les franges « décoloniales », « indigénistes », anticapitalistes, et les mouvements terroristes, comme en témoignent les yeux doux faits par les milieux « insoumis » aux partisans du Hamas.

Les partis regroupés au sein du Nouveau Front populaire dénoncent une campagne organisée par « la Macronie en déroute ». Reste qu’« une partie de la gauche radicale a disséminé un antisémitisme virulent et subverti les valeurs qu’elle prétend défendre », souligne une tribune signée par 50 universitaires dans Le Monde (21/06).

Du meurtre d’Ilan Halimi au viol de Courbevoie, en passant par la tuerie de l’école Ozar Hatorah de Toulouse (2012), celle de l’Hyper Casher de Vincennes (2015), la défenestration de Sarah Halimi (2017), le meurtre de Mireille Knoll (2018) ou encore l’incendie récent de la synagogue de Rouen, combien de tragédies faudra-t-il pour engager un vrai combat, sans ambiguïté, contre l’antisémitisme importé, et ses complices, idiots utiles ou militants engagés, dans les rangs de l’ultra-gauche ? La manifestation organisée en soutien à la petite fille violée à Courbevoie n’a réuni, le 23 juin, qu’entre 1 200 et 1 500 personnes… « Ne touchez pas aux juifs, ils sont la chair et les os du Seigneur », disait saint Bernard.