Quel regard portez-vous sur la longue histoire de France Catholique, sur sa place particulière dans la presse confessionnelle ?
Jacques Trémolet de Villers : La durée de France Catholique sur un siècle est évidemment exceptionnelle puisque dans la presse confessionnelle, seuls peut-être La Croix et Le Pèlerin peuvent avoir une durée supérieure. Je crois que la longévité de France Catholique est due au fait qu’elle plonge ses racines dans une réalité historique, qui est le royaume de France et que cette réalité inépuisable renouvelle ses racines. France Catholique se singularise aussi dans la presse confessionnelle par un aspect combattant. Elle est née dans une période de combat et elle a gardé de ses origines un style que le temps n’a pas modifié. Comme les nécessités de ce combat n’ont pas changé, France Catholique a gardé sa place. Elle n’est pas liée comme d’autres publications à des mouvements de mode, qui existent dans la presse confessionnelle comme dans la presse laïque, et elle est restée attachée aux valeurs permanentes qui l’ont fondée.
Comment le général de Castelnau a-t-il incarné « une certaine idée de la France », et de son lien avec la foi catholique ?
Je n’aime pas beaucoup les termes « une certaine idée de la France » car ils sous-entendent que celui qui en parle ou la défend projette sur une réalité son regard personnel, à tel point que ce regard peut supplanter la réalité. Je pense que le général de Castelnau n’a pas incarné « une certaine idée de la France », mais qu’à un moment où l’essentiel français, qui est indiscutablement catholique, était menacé, il s’est porté à la défense de cette essence de la France et qu’il a mis son charisme et ses dons, en même temps que sa popularité, au service de ce combat. Je ne parlerais pas non plus de lien entre la France et la foi catholique car il s’agit plus que d’un lien. La France est une nation qui est née du baptême du premier de ses rois, Clovis. Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans l’ordinaire de la vie naturelle il n’y a pas eu d’abord une nation née d’une réalité naturelle qui aurait été ensuite baptisée, mais cette nation est née du baptême.
C’est là une réalité historique que rien ne pourra jamais effacer et que Castelnau a défendue lorsqu’elle était particulièrement menacée par le cartel des gauches qui, dans son anticléricalisme, s’attaquait à la substance même de la France.
Quelles leçons pour aujourd’hui peut-on tirer de l’expérience de la Fédération nationale catholique – 2 millions d’hommes contre les lois anticléricales du Cartel des gauches ?
On peut tirer comme leçon que, comme disait la CGT, « la lutte paye ». Même si, sur le plan électoral, la Fédération nationale catholique n’a pas obtenu les succès qu’elle pouvait humblement espérer, la mobilisation exceptionnelle qu’elle a réalisée a mis un terme aux avancées de cet anticléricalisme qui, un peu partout, a été obligé de composer. Ce n’est donc pas en vain qu’une mobilisation a été effectuée. Ce qui est frappant dans cette mobilisation, c’est qu’elle reprenait le cadre des guerres de Vendée, puisqu’elle se faisait par paroisse et que la réponse des fidèles a été aussi impressionnante que rapide.
Plus largement, comment l’action de Castelnau est-elle un enseignement sur l’action des catholiques dans le domaine public ?
La Fédération nationale catholique avait l’immense avantage d’être populaire et de rassembler tous les milieux par le même combat pour l’essentiel. C’est un exemple à méditer. Il ne dispense pas d’une réflexion sur les institutions puisque, précisément, celles-ci s’opposent à ce que la majorité du pays soit vraiment représentée et sont organisées pour conserver le pouvoir au service de ce qui n’est pas une forme de gouvernement, mais véritablement une contre-religion. On voit clairement que, à ce moment de notre histoire, la République n’a pas pour vocation première de gouverner la France mais d’installer en France une autre religion. Cet effort s’est porté, à côté des lois, dans les écoles et les universités. La Fédération nationale catholique y a porté un coup d’arrêt mais les événements actuels montrent que ce combat n’est pas terminé.
Après Castelnau, France Catholique a été un carrefour de la pensée catholique après-guerre. Pourquoi l’action culturelle est-elle fondamentale, aujourd’hui comme hier ?
L’action culturelle est une nécessité parce que le combat est multiforme et ne concerne pas seulement des mouvements politiques ou les lois. Tout ce qui diffuse un état d’esprit entre en jeu et le laïc catholique qui veut remplir ses devoirs d’état a besoin d’une formation pour nourrir sa foi et celle de ses enfants. Les liens entre foi et raison, comme entre foi et culture, ne sont plus à démontrer. La culture est le terreau de la foi et c’est ce terreau aujourd’hui qui est attaqué. Il a été démontré qu’au XXe siècle et à notre siècle actuel, l’hérésie moderne et sociale va dans ce sens, car on ne constate pas l’existence d’une contestation du dogme ou des principes de la foi mais du terreau dans lequel la foi prend ses racines. Il ne s’agit plus tellement de contester le dogme catholique, mais d’organiser la vie comme si la foi catholique n’était plus importante. Ainsi, c’est le principe vital qui est à l’origine de notre nation, qui serait vidé de sa substance. C’est donc cette substance qu’il faut défendre et l’action pour cette défense est culturelle.
France Catholique souhaite donner des racines au futur, transmettre la foi et la culture aux jeunes générations. Quels conseils donneriez-vous à ces jeunes ?
Je leur dirais qu’ils doivent se plonger dans l’histoire de la France et l’histoire de l’Église, en abordant cette histoire sans préjugés, en cherchant les faits tels qu’ils se sont déroulés et en les lisant dans la réalité sans les déformer par des a priori idéologiques. Ils retrouveront ainsi la fraîcheur des commencements et pourront renouer avec ces racines pour leur faire porter du fruit. Il y a une très belle aventure à courir, pour la génération actuelle et les générations futures, qui est de refaire une société dans laquelle l’homme peut épanouir ses facultés naturelles en cultivant son aspiration vers le surnaturel. La grande tare de notre monde moderne est d’avoir coupé la nature de la surnature et d’avoir ainsi séparé ce que Dieu avait uni. Le rejet de ce naturalisme et la redécouverte du lien entre le spirituel et le temporel sont les racines d’une véritable renaissance et c’est ce que je souhaite aux jeunes générations de pouvoir réaliser. Il leur faudra pour cela un goût de la vérité et une passion de la liberté qui font partie des fondamentaux français.
Pour aller plus loin :
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