C’est ce que l’on appelle un « effet Streisand » dans sa version chimiquement pure. Cet effet a été théorisé en 2003 après que la chanteuse Barbra Streisand se soit efforcée de faire interdire la publication dans la presse d’une photo aérienne de sa maison. En brandissant cette menace, l’artiste a attisé la curiosité du public qui s’est précipité à la recherche du fameux cliché. Il en va de même pour cet essai, Transmania (éditions Magnus) dont la mairie de Paris a bloqué la promotion dans les rues de la capitale, que des militants viennent écorner et déchirer dans des librairies, et dont les auteurs – des « vendeuses de haine », selon le mouvement Stop Homophobie –subissent menaces et injures. Résultat, l’essai a atteint une large envergure et se classait au premier rang des ventes sur le site de vente en ligne Amazon.
Dissidences
Il faut dire que les militants du transgenrisme ont de quoi être particulièrement irrités, puisque Dorat Moutot est la créatrice d’un compte sur le réseau Instagram poétiquement baptisé @ tasjoui, tandis que Marguerite Stern est une ancienne du mouvement Femen et une militante active de la dénonciation des féminicides. Pas précisément des militantes guindées venues de Versailles ou du Chesnay… Ces transfuges méritent donc tous les châtiments. Le sénateur PC de Paris Ian Brossat a donc tenté d’interdire une intervention des deux femmes à l’université Panthéon-Assas, demandant au préfet de police « l’annulation de la conférence transphobe », au prétexte que « la transphobie n’est pas une opinion, c’est un délit ». Vieille ficelle que ne renierait pas Fouquier-Tinville. Les deux intéressées ont pour leur part dénoncé les agissements de la « wokestapo ».
L’ambition d’une idéologie
Mais dans le fond, que disent Dora Moutot et Marguerite Stern ? Que l’idéologie transgenre est « l’un des plus gros casses conceptuels du siècle » et que « derrière les paillettes se trouve un projet politique néfaste qui s’apprête à bouleverser notre rapport au réel », comme elles s’en sont expliquées au Point (03/05). Derrière le militantisme de ses zélateurs se dissimule en réalité l’ambition à peine voilée de faire sauter la distinction biologique entre l’homme et la femme, que fonde pourtant le code génétique de chacun, pour porter à son extrême le chantier de la déconstruction des identités
et des appartenances.
Fébrilité
Les militants de la transidentité sont fébriles. En France et ailleurs dans le monde, ce projet rencontre en effet des obstacles, comme en témoigne, par exemple, une proposition de loi qui doit être examinée au Sénat le 28 mai pour interdire aux mineurs les transitions de genre. Ou encore la déclaration importante de l’agence nationale de la santé britannique (la NHS) qui vient d’affirmer le 30 avril que « le sexe est un fait biologique » – quelle audace ! – ce qui, pratiquement, empêche désormais les « femmes » transsexuelles d’accéder aux toilettes pour femmes dans les établissements de santé, comme le rapporte Le Figaro (02/05). Ou enfin le feuilleton à rebondissements dans « l’affaire J.K. Rowling », du nom de l’auteur de la saga Harry Potter, qui s’était récemment félicitée d’un rapport sévère sur les traitements hormonaux et les inhibiteurs de puberté : cette prise de position lui a valu une rupture directe avec le comédien Daniel Radcliffe, qui incarnait le jeune magicien à l’écran, dont elle a fait la fortune, et qui, sans elle, « serait au mieux un acteur ordinaire […] ou un enseignant de théâtre dans une école secondaire », comme le dit malicieusement Le Journal de Montréal (03/05).
La bataille du réel
Face aux coups de griffes portés à cette idéologie, l’heure est à la fébrilité. Le magazine Têtu (18/04) dénonce une « obsession anti-trans ». « Les discours antitrans servent une cause d’extrême droite », s’inquiète un sociologue interrogé par sur le site Les Jours (02/05). C’est un « déferlement transphobe », assène le site Politis (03/05). Assurément, le livre de Dora Moutot et Marguerite Stern inquiète. Et si le bruit médiatique déclenché par Transmania est conséquent et permettra d’en déciller certains, la bataille pour la défense du réel n’est pas encore gagnée. En témoigne le tollé déclenché par le message laissé par Marion Maréchal (Reconquête) sur le réseau X (01/05) s’inquiétant simplement de la disparition de la « maman » dans le cadre des GPA. Étrangement, le propos du député Louis Boyard (LFI) estimant sur BFMTV (01/05) que « la marchandisation des corps n’est pas acceptable », a déclenché beaucoup moins d’indignation…