La Fondation Jérôme Lejeune participera au Forum Viva, qui aura lieu les 22 et 23 mars au Parc floral de Paris. Pourquoi cette présence ? En quoi cet événement est-il important ?
Grégoire François-Dainville : La Fondation sera présente au village des associations et plusieurs collaborateurs animeront une table ronde ou un atelier. Mais elle fait surtout partie du comité d’organisation, depuis que l’idée d’organiser une sorte de « Congrès Mission » de la vie a germé il y a deux ans lors d’une rencontre interassociative. C’est la première fois que toutes les associations qui œuvrent dans le domaine de la vie, de la famille et des fragilités s’unissent autour d’un projet commun. Cela crée une dynamique pleine d’espérance en la capacité de l’Homme à faire bouger positivement le monde. C’était l’un des objectifs : dans la crise de notre société marquée par une désespérance latente, nous voulions envoyer un message d’espoir et valoriser ce qui se fait de beau et de bon sur ces sujets, ce qui se dit de vrai aussi. Notre ligne de crête, c’est d’unir la parole et les actes, amour et vérité, dans une dynamique joyeuse et confiante dans l’avenir.
C’est la première fois qu’un tel événement réunira en un même lieu cinquante associations d’inspiration chrétienne. Quelles suites en attendre ?
Le fait même de conduire pour la première fois une action commune est très fort. Cela nous permettra d’abord de mieux nous connaître, mais je crois que cela va plus loin : il y a quelque chose de prophétique qui portera forcément du fruit, même si nous ne savons pas encore précisément lequel. Évidemment, cette démarche n’allait pas de soi, c’était même un véritable défi car nous avons tous des histoires et des approches différentes. À titre personnel, j’ai vivement senti l’enjeu spirituel de cette unité. Pour le dire plus clairement, je crois qu’il y en a un qui préfèrerait nous voir divisés car il sait que la communion porte toujours des fruits. Mais cette unité ne peut se vivre qu’en respectant la diversité de nos charismes respectifs. L’idée de fusionner dans un grand tout peut être une tentation. Je crois que ce n’est pas le bon chemin.
On reproche parfois aux chrétiens d’être timides, parfois bridés dans leur expression par une conception « invasive » de la laïcité. Les associations chrétiennes, qui agissent dans le champ social, peuvent-elles rester fidèles à leur vocation si elles n’affichent pas leur filiation ?
C’est le risque d’un humanisme coupé de ses racines chrétiennes, qui ne retiendrait du double commandement de l’amour que son aspect horizontal : « Ainsi, le christianisme devient une espèce d’ONG » disait le pape François dans Gaudete et Exultate. En même temps, il faut reconnaître qu’il peut être contreproductif de faire de la foi un étendard. À la suite du Professeur Lejeune, la Fondation est convaincue que la raison naturelle est capable de reconnaître la dignité de toute vie humaine grâce à la science, à la philosophie, etc. Le commencement de la vie à la fécondation est une réalité scientifique qui s’impose à la foi. Dans un autre domaine qui nous est cher, car notre cœur de mission est la consultation médicale de l’Institut Jérôme Lejeune dédiée aux personnes avec une déficience intellectuelle d’origine génétique, il n’y a pas une médecine catholique et une qui ne l’est pas. Ce qu’on attend d’un médecin catholique c’est qu’il soit un bon médecin ! Aussi la Fondation a-t-elle choisi d’être aconfessionnelle, tout en assumant pleinement et humblement de poursuivre l’œuvre d’un homme reconnu comme vénérable.
Le Parlement reprendra au mois de mai le débat sur la fin de vie. Quelle est, sur ce projet, la position de la Fondation Jérôme Lejeune ?
La Fondation a fait tout ce qu’elle pouvait pour s’opposer à ce projet de loi dans le débat public. Elle souligne en particulier le risque que la légalisation de l’euthanasie ferait peser sur les personnes porteuses de déficience intellectuelle. C’est une inquiétude que les familles de patients expriment et qui est loin d’être sans fondement. En associant la « dignité » avec la bonne santé, ce texte contribuera à dévaloriser des vies jugées trop encombrantes. Dans les pays étrangers, on constate un élargissement progressif des conditions d’accès à l’euthanasie, qui peut par exemple être pratiquée pour seul motif d’autisme.
Comment les catholiques peuvent-ils faire entendre leur voix sur ce sujet ?
Je ressens avant tout une forme de découragement : devant ce qui semble être un rouleau compresseur, à quoi bon agir ? D’abord, il ne faut pas sous-estimer le poids de nos prises de parole : si tous les catholiques français écrivaient à leur député pour manifester leur opposition à ce projet de loi, je vous garantis que ça ne passerait pas inaperçu. Plus profondément, il faut prendre conscience que la défense de la vie est un combat culturel de long terme. Un simple regard sur l’histoire récente ou sur les pays étrangers nous prouve que des revirements sont possibles et même fréquents – pensons à la manière dont la pédophilie était considérée dans les années 70 et dont elle l’est de nos jours, par exemple, ou encore aux récents succès pro-life aux USA. Mais pour espérer un sursaut de notre conscience collective, il faut que ceux qui croient à la valeur de la vie humaine osent aujourd’hui prendre la parole et s’engager ! À cet égard, les chrétiens sont dépositaires d’un trésor, ils ne doivent pas le garder pour eux. Et ils savent que derrière tout cela il y a un combat spirituel où celui qui est “le chemin, la vérité et la vie” a déjà gagné ! Cela donne une grande force morale et une grande espérance !
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