Jubilé : quand saint Philippe Néri accueillait les pèlerins - France Catholique
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Jubilé : quand saint Philippe Néri accueillait les pèlerins

L’Archiconfrérie des pèlerins et des convalescents fut fondée par saint Philippe Néri au mitan du XVIe siècle, pour accueillir les fidèles affluant lors de l'Année sainte. Entretien avec l’abbé Brice Meissonnier (FSSP), Supérieur de l'Archiconfrérie.
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© Trinité des pèlerins

Quel est le lien entre saint Philippe Néri et les jubilés ?

Abbé Brice Meissonnier : Le jeune Philippe quitte Florence pour Rome en 1535, alors qu’il a à peine 20 ans. Rome, qui a été saccagée par les troupes de Charles Quint en 1527, est en pleine reconstruction. Il n’est même pas clerc mais commence un petit apostolat de rue, notamment auprès des enfants.

Sa bonhomie et sa profondeur spirituelle lui donnent vite une renommée dans tout le quartier florentin. Mais, très spontané, Philippe n’institue rien de durable. Le Père Persiano Rosa, que Philippe prend pour directeur spirituel, va remettre un peu d’ordre dans tout cela ! En 1548, à l’approche du nouveau jubilé, ils fondent ensemble l’Archiconfrérie des Pèlerins et s’installent en l’église San Salvatore in Campo.

Quel était l’objectif de cette fondation ?

Le jubilé de 1550 s’annonçait particulièrement important. C’était non seulement le premier depuis le sac de Rome, mais aussi, symboliquement, le jubilé du concile de Trente, qui a débuté en 1545. Rome attendait donc de nombreux pèlerins mais, toujours en grande partie en ruines, elle ne pouvait pas les accueillir convenablement. Persiano et Philippe avaient remarqué que les pèlerins se retrouvaient à devoir confesser, après quelques jours dans la Ville éternelle, des péchés plus graves que ceux pour lesquels ils étaient venus en pèlerinage ! À cause de la misère qui régnait à Rome, les vols et les agressions étaient devenus monnaie courante, même entre pèlerins. Il fallait remédier à cette situation.

Comment s’y sont-ils pris ?

Pour l’accueil matériel, les confrères proposaient dix jours de logement à celui qui se présentait avec un billet de son curé, attestant qu’il venait en pèlerinage. Ces dix jours étaient renouvelables avec un billet d’un confesseur qui pouvait certifier que le pèlerin s’était confessé. Et cet accueil n’était pas simplement une paillasse au fond d’un couloir, loin de là ! Les pèlerins étaient d’abord reçus dans une cérémonie au cours de laquelle on commençait par lire l’Évangile, puis on leur lavait les pieds en récitant des prières. Puis, les confrères leur servaient un grand repas chaud. L’Archiconfrérie garantissait deux repas – assez copieux ! – par jour à chacun de leurs hôtes. Si besoin, ils étaient soignés.

Pour l’aspect spirituel, les confrères facilitaient aux pèlerins l’accès à la confession et leur donnaient des leçons de catéchisme. Surtout, c’était un excellent moyen pour faire découvrir aux pèlerins de toute la chrétienté deux dévotions de saint Philippe : les Quarante-Heures et le pèlerinage des Sept Églises.

En quoi consistent ces deux dévotions ?

Le pèlerinage dit « des Sept Églises » est une pratique pieuse de Philippe qui relie les quatre basiliques majeures et trois basiliques mineures. Les Quarante-Heures consistent en une exposition solennelle du Très Saint-Sacrement durant quarante heures. Elles ont lieu traditionnellement du dimanche de la Quinquagésime au mardi avant les Cendres mais, grâce aux milliers de confrères, l’Archiconfrérie pouvait les assurer tous les mois. Cette pratique venait en réalité de saint Charles Borromée, qui l’avait initiée à Milan, mais elle se diffusa grâce à l’Archiconfrérie de saint Philippe.

Cet héritage a-t-il survécu à saint Philippe Néri ?

Du vivant de Néri, l’Archiconfrérie avait pris beaucoup d’ampleur. Le pape Paul IV lui avait confié un hospice et l’église Saint-Benoît, qui s’avéra vite trop petite. En 1587, on la fit raser pour construire l’actuelle Trinité-des-Pèlerins que saint Philippe ne vit jamais achevée. D’autres saints, comme saint Joseph Calasanz, ont rejoint l’Archiconfrérie ou encore saint Jean-Baptiste de Rossi après la mort de Philippe en 1595. La reine Christine de Suède en fut aussi membre, après son exil à Rome en 1655. Enfin, la tradition était que le pape lui-même vînt laver les pieds des pèlerins au cours de la Semaine sainte ! Le dernier pape à l’avoir fait est le bienheureux Pie IX. Malheureusement, après la prise de Rome en 1870, les biens de l’Archiconfrérie furent spoliés… Et l’hospice, désaffecté, a été rasé sous Mussolini.

Que devient l’Archiconfrérie ?

Elle se réorganise petit à petit depuis quelques années. Depuis six ans par exemple, les confrères ont repris l’office des Quarante-Heures pour l’entrée en Carême – arrêté dans les années 1950. Chaque mois, ils font des collectes pour les familles pauvres du quartier et organisent un repas pour les mendiants. Ils aident à la liturgie de la paroisse pour les processions, les chemins de Croix, etc. Pour ce qui est du jubilé, le samedi de 11 heures à midi, nous proposerons aux pèlerins de s’inscrire pour se faire laver les pieds selon l’antique rituel de l’Archiconfrérie. Nous proposerons un carnet pour présenter et accompagner le pèlerinage des Sept Églises dans le but de répandre cette dévotion. Ce sera l’occasion de faire rayonner l’héritage spirituel si riche de saint Philippe.

Pourquoi cet héritage vous semble-t-il si pertinent pour entrer dans le jubilé ?

Saint Philippe est l’incarnation du « tout à tous » paulinien. Il était proche des petites gens aussi bien que des cardinaux, avec la même simplicité. C’est une figure spirituelle accessible à tous les pèlerins. Un jubilé est l’occasion d’un nouveau départ pour les croyants. Or saint Philippe incarne l’éternelle jeunesse de la sainteté. Après la terrible crise de la Réforme, il a su maintenir aussi bien qu’innover, pour faire triompher la foi dans les cœurs et rendre à la chrétienté sa vigueur. Il fit tout cela avec une grande liberté, mais toujours enraciné dans une tradition profonde. Saint Philippe, c’est l’authentique esprit romain : un maître spirituel idéal pour le jubilé !