Jeunisme ou jeunesse ? - France Catholique
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Enfance : éduquer à la sainteté
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Jeunisme ou jeunesse ?

Si Dieu a souvent choisi des jeunes pour que son message soit entendu, il ne faut pas pour autant tomber dans le jeunisme. Car, pour qui a la foi, la jeunesse n’a pas de fin.
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© Fred de Noyelle / Godong

La jeunesse, pas plus que la vieillesse, n’est une vertu ou un gage de qualité. Le « jeunisme » actuel, fortement répandu dans les discours politiques mais aussi dans bien des déclarations ecclésiastiques, partage peu en commun avec la jeunesse biblique et liturgique, avec la jeunesse qui est le bois dans lequel les saints sont taillés. Pour un chrétien, la jeunesse n’est pas question d’âge car elle est une caractéristique de l’éternité. David le psalmiste chante : « Et je viendrai jusqu’à l’autel de Dieu, jusqu’au Dieu qui réjouit ma jeunesse » (Ps 42, 4). Pourtant, le roi n’est plus l’adolescent gardien de troupeau choisi par Dieu à la place de tous ses frères. Et cependant, il continue de mentionner sa jeunesse, non point comme appartenant au passé mais comme étant partie intégrante de ce qu’il est – alors accablé par ses ennemis – et la joie divine ne cesse de se répandre en lui. Il ne parle pas ici de la jeunesse de ses muscles mais de celle de son cœur, partagé entre de multiples émotions, dont la tristesse, la louange, la déréliction et l’espérance.

Lorsque le prêtre célébrant alterne ce psaume avec son servant au pied de l’autel, comme introduction au saint sacrifice de la messe [dans le rite tridentin, NDLR], il revêt une soif identique, conscient du chaos de tout ce qui l’habite mais désireux de rendre grâces. Ces alternatives de trouble et de confiance, de crainte et d’enthousiasme ne sont-elles pas la marque de toute jeunesse ? Prêtre et fidèles sont ici unis, dans une attitude d’humilité et d’attente avant que le ministre n’ose gravir les degrés qui montent à l’autel, au Calvaire.
Il faut bien la générosité, l’impétuosité parfois irréfléchie de la jeunesse pour s’aventurer ainsi vers le sacrifice. Lorsque jeunesse il y a, il semble qu’aucune limite ne soit infranchissable, aucun rêve irréalisable, aucun projet trop ambitieux. Cet élan est essentiel pour vivre, et encore plus pour servir Dieu dans son temple et dans le monde.

Énergies adolescentes

Ladite sagesse des ans n’est pas forcément au rendez-vous, et bien des énergies adolescentes s’éteignent avant d’avoir brûlé. Dans l’immense livre coloré de la Révélation, Dieu s’est complu de choisir des « jeunes » pour que son message soit entendu, faisant confiance à ce feu présent même si, à certains moments, un peu flageolant et brouillon : Joseph fils de Jacob, David le benjamin, Samuel choisi dès son enfance, Jérémie inquiet à cause de sa jeunesse, Ruth la jeune veuve, Jean l’apôtre préféré, Timothée soutien de l’Apôtre des gentils et, bien sûr, au-dessus de tous, la Très Sainte Vierge, cette petite Marie Mère de Dieu, dont la jeunesse immaculée et obéissante redonna une virginité au monde jusqu’alors prisonnier du péché. Et Notre-Seigneur lui-même qui fait l’admiration de ses futurs ennemis dans le Temple de Jérusalem, lorsqu’Il répond avec une rare sagesse à leurs questions à l’âge de 12 ans.

Dans sa vie publique, à plusieurs reprises, Il soulignera à quel point la jeunesse est vulnérable mais qu’elle peut donner le meilleur d’elle-même si elle est encouragée, guidée et aimée : la rencontre avec le jeune homme riche encore hésitant à se déposséder de tout pour devenir disciple, et la bouleversante parabole du fils prodigue où le plus jeune dilapide tout dans le plaisir, l’inconscience et le péché mais qui est accueilli par son père de façon inconditionnelle lors de son piteux retour à la maison ancestrale.

Lorsque l’enfance n’est pas bafouée, elle est le temps de la joie pure. La jeunesse qui suit devrait bénéficier du même élan, mais bien des jeunesses sont tristes parce que déjà marquées par les vices et les désespoirs de la vieillesse. Pour que jeunesse soit joyeuse, il lui faut un terreau dans lequel ses racines se nourrissent des vertus. Voilà pourquoi la jeunesse contemporaine se trouve souvent aussi dépourvue que la cigale de la fable, prisonnière d’un hiver sans fin entretenu par les maîtres de ce monde qui aiment à corrompre ce qui est neuf, en bourgeon.

Guider la jeunesse

La jeunesse, malgré ses maladresses et même ses divagations, demeure auréolée de joie si des voix, des modèles avertissent sur les dangers, guident pour éviter les ornières, soutiennent pour porter sur les chemins épineux. Au lieu de cela, ceux qui devraient avoir charge d’âmes ou responsabilité politique se font un malin plaisir de pervertir la jeunesse en l’invitant au plus bas au lieu de diriger son regard vers les pics. Georges Bernanos dressait, dans Les Grands Cimetières sous la lune, ce juste diagnostic : « C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le monde à température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »

Pour demeurer dans la joie, la jeunesse doit éviter les ruminations de bovins, le contentement des médiocrités et des facilités, l’attirance des bas-fonds. Se réjouir n’est point faire la fête et « s’éclater ». La joie qui demeure est celle de l’âme en paix qui, tout en reconnaissant sa faiblesse, se jette en confiance dans la mêlée car Dieu est son origine et sa fin. Il faut relire les conseils de saint Paul au jeune Timothée : « Fuis les désirs de jeune homme, et recherche la foi, la charité et la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur » (2 Tm 2, 22).

La jeunesse du monde

Les âges de la vie importent peu s’ils ne baignent pas tous dans l’eau vive. Sinon, barbe blanche ou morve au nez, l’abrutissement et l’aveuglement ne changent pas d’un iota. La jeunesse du monde n’est que celle des saints. Là encore, il faut se replonger dans les Psaumes, clameurs de joie et lamentations de repentance : « Ô Dieu, vous m’avez instruit dès ma jeunesse, et je publierai vos merveilles opérées jusqu’à ce jour, et dans ma vieillesse et ma décrépitude, ô Dieu. Ne me délaissez pas jusqu’à ce que j’annonce votre bras à toute la génération qui doit venir » (Ps 70, 17-18). Dieu ne réjouit que la jeunesse qui se donne à lui.