En ces jours d’indétermination, où l’on se demande si vraiment la guerre va s’arrêter en Ukraine, il n’est pas possible pour les chrétiens d’échapper à l’enseignement du Christ. Ne nous dit-il pas simultanément : « Je vous laisse la paix, je vous donne la paix » (Jn 14, 27), mais aussi : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre, je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Mt 10, 34).
Sans doute comprend-on spontanément que le glaive dont il est question se rapporte d’abord à un combat intérieur contre le mal. Il n’y a pas de vie spirituelle sans cette lutte qu’ont vécue tous les saints. Mais, en même temps, il est impossible de vivre en dehors du monde tel qu’il s’impose à nous, avec la violence qui a ensanglanté tous les siècles.
« Porter l’identité chrétienne sans compromis »
Le Christ n’ignore pas cet aspect de l’histoire. C’est pourquoi il ne condamne nullement la vocation militaire. On se souvient forcément de cet épisode de l’Évangile où Jésus déclare à propos d’un centurion romain : « Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! » (Lc 7, 1-10). Nous connaissons l’exemple du colonel Beltrame, qui a donné un témoignage de soldat inspiré par sa foi.
Par ailleurs, l’Écriture sainte, loin d’être exempte de violences et de guerres, ne cesse de nous offrir le spectacle d’un monde déchiré. Les deux livres des Maccabées constituent le récit d’une révolte inexpiable contre un empire séleucide qui veut arracher Israël à la foi de ses pères. C’est à propos de ce texte de l’Ancien Testament que le pape François déclarait : « Lisez cette histoire… Cela vous fera du bien, cela vous donnera du courage pour être un exemple pour tous et cela vous donnera également la force et le soutien de porter de l’avant l’identité chrétienne, sans compromis, sans double vie. » On peut se référer à l’ouvrage récent de Christophe Eoche-Duval, Une résistance juive d’hier à aujourd’hui. Commentaire du livre des Maccabées (Via Romana).
Le paradoxe chrétien
Pourtant, c’est bien le même François qui ne cesse, à temps et à contretemps, de prêcher en faveur de la paix et de plaider même en faveur d’un désarmement général. C’est qu’il est impossible de sortir du paradoxe qui est partie prenante de la vie chrétienne.
L’espérance eschatologique invincible n’abolit pas ce qu’il y a de douloureux dans notre condition et qui nécessite une résistance de tous les jours. Comme l’écrivait le cardinal de Lubac : « Le paradis terrestre ne se retrouvera plus. Maintes promesses de bonheur et maints programmes trop grandioses ne sont qu’escroqueries ou rêves enfantins. Ne répudions pourtant aucun espoir humain de progrès. Travaillons au contraire à tous progrès, de toutes nos forces et sur tous les fronts » (Paradoxes. Suivi de Nouveaux paradoxes, Seuil, 1983). N’est-ce pas comme cela que nous obtiendrons la paix telle que le Christ nous la donne ?