« Il faut dire aux jeunes que l’amour est précieux » - France Catholique
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Éducation affective : protéger l'amour vrai
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« Il faut dire aux jeunes que l’amour est précieux »

Face à l’omniprésence de la sexualité dans la société, certaines formations éveillent les jeunes à la beauté du corps sexué et à sa vraie finalité. Entretien avec Inès de Franclieu, responsable de l’association de formation Com’ je t’aime.
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© Manuel Estrada / pexels

Selon vous, l’éducation à la vie affective doit faire l’objet d’un enseignement dans le cadre de l’école, malgré les réticences de bien des familles. Pourquoi ?

Inès de Franclieu : L’école est le lieu où, le plus souvent, les enfants ont accès aux premières informations sur la sexualité, à l’insu de leurs parents, par les copains et la pornographie… Il est donc nécessaire qu’ils entendent, dans ce cadre, un discours constructif car la plupart n’en entendent pas parler à la maison, les parents n’étant pas formés, ou n’osant pas, ou n’ayant pas le temps. Hélas, trop souvent, les interventions dans les écoles sont peu constructives, voire parfois catastrophique).

Justement, que peut-on dire aux enfants à l’école primaire ?

On ne leur parle pas directement de sexualité : il faut leur dire que nous sommes des êtres de relation faits pour, un jour, aimer. Ils ont également besoin de comprendre le sens du corps sexué, avec les différences biologiques entre les garçons et les filles, et de découvrir que ce corps est fait pour donner la vie. Et que la vie se donne grâce à l’union des corps, qui exprime l’amour. Il faut leur donner le sens du corps et de la puberté. Bien sûr, il faut dire tout cela avec des mots simples et adaptés à leur âge.

Que peut-on dire aux adolescents ?

Ce qui les intéresse, c’est que l’on mette des mots qui donnent sens à la puberté, qui permettra un jour de donner la vie – la vie qui se donne grâce à une relation d’amour. La question est donc de leur donner des clés pour construire une relation d’amour  qui puisse durer car, quand elle ne dure pas, les conséquences sur le cœur sont lourdes.

Ainsi, on va réunifier sexualité et amour et sexualité et vie. C’est alors la personne humaine qui se trouve elle-même réunifiée dans ses trois dimensions, corps esprit et cœur : ce que je fais avec mon corps a un impact sur mon cœur. La sexualité devrait être l’union des corps qui vient exprimer l’union des cœurs.

Faut-il parler aux adolescents de vie affective ?

Je crois qu’il faut d’abord se poser avec eux la question du bonheur et leur demander : que voulez-vous vivre ? Car ce que je vis aujourd’hui me prépare ou m’éloigne de ma vie de demain… Construire une relation d’amour qui puisse durer, et source de bonheur, est un peu à l’image d’une ascension en montagne : le but atteint, la vue est superbe. Mais pour y arriver, cela demande du temps et donc d’accepter de renoncer à certains plaisirs immédiats. Pour atteindre un objectif élevé, de la même manière que pour leurs études, ils peuvent comprendre que les choses se construisent progressivement : je ne peux pas être médecin à 15 ans, mais je peux commencer à m’y préparer. À leur âge, il faut réhabiliter l’amitié : c’est elle qui fait d’abord grandir le cœur, qui apprend à connaître l’autre en vérité. Les jeunes se mettent en couples en pensant qu’ils vont mieux se connaître. Mais les gestes amoureux ne nous apprennent pas vraiment à nous connaître : en nous aveuglant sur qui est l’autre, ils entravent notre discernement. L’amour, c’est très beau mais, comme tout ce qui est précieux, cela coûte cher et demande de renoncer à certaines choses.

Que dire sur les addictions sexuelles ?

Dans la sexualité, le plaisir est une source de bonheur quand il est placé à sa juste place : la récompense du don fait à l’autre. Si la sexualité est envisagée uniquement pour avoir un maximum de plaisir, pas sûr qu’il y aura beaucoup de bonheur car on peut très vite se sentir devenir un objet sexuel. La pornographie réduit la sexualité à une technique de corps la plus performante possible. Et les conséquences sont graves : outre les traumatismes chez de nombreux jeunes – peur, pour les garçons, de ne pas être assez « performants » et, pour les filles, de devoir en passer par là pour avoir un enfant… –, le porno abîme la vie du futur couple qu’on voudra bâtir, en donnant l’habitude de faire de l’autre un objet de plaisir. Sans oublier qu’il est très addictif.
Par ailleurs, lorsqu’on cherche à se procurer son propre plaisir, pas sûr non plus qu’il y ait beaucoup de bonheur car ce plaisir est solitaire, alors que nous sommes des êtres de relation. En outre, il est, lui aussi, très vite addictif.

Comment protéger les enfants de la pédophilie ?

Justement en leur donnant le sens du corps sexué et de sa finalité : avec ce corps, je pourrai un jour exprimer l’amour, parfois donner la vie. Voilà pourquoi, ce corps sexué est éminemment précieux, comme un bijou. Et, comme pour les bijoux, il peut y avoir des cambrioleurs.

Cela permet de lui montrer, sans créer d’anxiété, qu’il est nécessaire de protéger et de garder le trésor de mon corps : je ne participe pas à une conversation où on se moque du corps, je ne joue pas avec mon corps ni celui de l’autre, je ne laisse pas quelqu’un toucher, regarder, photographier mon corps… Et je suis capable de dire non…

Ces explications formeront dans l’enfant comme un bouclier intérieur, qui, du coup, ne se laissera pas approcher ni abuser… Quand le dialogue a été initié avec ses parents, il saura en parler avec eux, en cas de problème. Leur dire que personne ne peut les toucher est terriblement anxiogène, à un âge où l’enfant a tant besoin d’être consolé et câliné, et ne peut pas comprendre pourquoi, si on ne lui donne pas le sens de son corps…

Comment accomplir ce travail global dans les écoles ?

« Com’ je t’aime » a développé une vraie pédagogie, qui respecte le développement de l’enfant à chaque âge. Concernant les adolescents, sans cette pédagogie, les jeunes nous entraînent dans des débats stériles et de véritables impasses.

Je ne viens pas seulement leur communiquer une information : mon enseignement a pour but de les faire réfléchir et de leur permettre d’ajuster leur comportement, en fonction de ce qu’ils décident vouloir vivre. Tant de belles choses peuvent être accomplies dans les écoles, avec des chefs d’établissement courageux !

Que peuvent faire les parents ?

La difficulté, aujourd’hui, c’est l’absence et le manque de disponibilité et de formation des parents. Il faut vraiment prendre le temps de parler de ces sujets avec nos enfants et nos jeunes, en les prenant au sérieux. 

Sur internet : www.comjetaime.com

Amour et sexualité. Comment en parler aux enfants et aux adolescents ?, Inès de Franclieu, éd. Qasar, 2016, 176 pages, 15 €.

Dis, en vrai, c’est quoi l’amour ?, Inès de Franclieu, éd. de l’Emmanuel, 2016, 48 pages, 13 €.