Qu’entend-on exactement quand l’on dit que Marie est « médiatrice » de la grâce ?
Père Serafino M. Lanzetta : La Vierge Marie est médiatrice de grâces car non seulement porte-t-elle de façon parfaite notre prière à Dieu, mais elle a contribué, avec Jésus, à la formation de la grâce comme telle, puisqu’elle l’a porté dans son ventre ! Il faut également revenir au message de l’Ange lors de l’Annonciation. Il s’agit d’une prière mariale qui explicite bien que Marie est « pleine de grâce »… À ce titre, rappelons que s’il n’y avait pas eu la salutation angélique, il n’y aurait pas eu l’Incarnation ! Prier des « Ave », c’est donc prier les mystères de l’Incarnation du Verbe, présent avec nous par Marie.
Cette notion de médiation et, plus généralement, de prière à la Vierge, rencontre une objection courante : pourquoi ne pas prier Jésus directement ?
Tout simplement car il nous faut imiter les mêmes chemins que ceux empruntés par le Christ, qui est venu à nous par la Vierge Marie. Comme l’avait souligné saint Louis-Marie Grignion de Montfort, nous devons donc « aller à Jésus par Marie » ! Les théologiens qui disent qu’il faut prier « directement » Jésus ne comprennent pas le concept de médiation de Marie. Il faut l’entendre non pas comme un obstacle dressé entre le Christ et nous, mais comme la participation de la Vierge – qui a porté Jésus en son sein – aux mystères du Christ.
Au demeurant, la notion de médiation se retrouve ailleurs dans la vie chrétienne : le sacerdoce, par exemple, est une médiation où le prêtre joue le rôle de médiateur entre le fidèle et le Christ. Mais la médiation par excellence reste celle partagée par Notre-Dame. La Tradition chrétienne ne s’y est d’ailleurs pas trompée : la prière à la Vierge est une longue tradition de l’Église. Dès le IIIe siècle, nous trouvons la prière de consécration du « Sub tuum praesidium », qui demande à la Vierge Marie de se réfugier sous sa protection.
Est-ce à dire que toutes les grâces, données par le Christ, passent par Marie ?
Oui, car la Vierge et son Fils sont unis, comme l’avait souligné l’École française de spiritualité et en particulier Jean-Jacques Olier, qui avait explicité le concept de médiation en disant que la Vierge Marie était un « sacrement » du Christ, distribuant la grâce de son Fils. En effet, en accueillant Jésus en son sein, la Vierge Marie a participé activement à notre salut. La grâce a été acquise par Jésus, avec la contribution active de Notre-Dame. C’est pour cette raison que nous pourrions dire que Marie est « corédemptrice ».
Cette notion est au cœur des débats, pour savoir si cela doit être reconnu comme un nouveau dogme…
Je l’espère, même si cela sera sans doute difficile, car il y a des objections théologiques mais aussi un peu d’ignorance : quand on s’arrête au préfixe « co », on imagine que la corédemption place Notre-Dame au même niveau que Jésus. Ce qui n’est pas le cas ! La Sainte Vierge reste « subordonnée » à Jésus, tout en étant complémentaire. Elle a été choisie par Dieu pour être la coopératrice, tout comme Ève a été choisie pour être l’épouse d’Adam.
Comment comprendre la notion de « virginité perpétuelle », au cœur de votre livre ?
Dire que la Vierge est αειπάρθενοs, « toujours vierge », comme l’a défini le deuxième concile de Constantinople en 553, signifie que la Vierge l’était avant la naissance du Christ, pendant son accouchement et après. Avant l’accouchement, car Marie est enceinte par la puissance de l’Esprit Saint. La virginité pendant l’accouchement est assurément la plus difficile à comprendre, et aussi la plus niée de nos jours. Pourtant, ce mystère de la virginité est la manifestation que Jésus est vrai Dieu : sa naissance relève ainsi du miracle et démontre bien que le Christ est Dieu. Enfin, sa virginité intacte après la naissance de Jésus rappelle qu’elle n’a pas eu d’autres enfants. Pour les catholiques, c’est un dogme.
En quoi la virginité de Marie est-elle liée à sa médiation ?
Car dès lors, cela signifie que la virginité de Marie fait partie de la médiation originelle qui nous a donné le Christ. Elle permet également l’acte de médiation de Notre-Dame au pied de la Croix, aux côtés de saint Jean. En étant toujours vierge, Marie peut être à la fois la Mère du Christ et notre Mère à tous, comme Jésus l’a affirmé en lui disant, du haut de la Croix : « Femme, voici ton fils » puis, à saint Jean : « Voici ta mère ».