Qu’un théologien veuille traiter de la question infiniment douloureuse des crimes sexuels commis par des prêtres contre des enfants n’a rien en soi de critiquable. Bien au contraire ! Il est de sa mission d’éclairer l’opinion, catholique ou non, à propos d’un dossier qui déstabilise une Église qui prêche les commandements et semble les contredire par le comportement des siens. Mais rien de tel avec Hans Küng, qui prend prétexte du scandale pour régler une fois de plus ses comptes avec une institution qui l’a sanctionné parce qu’il était en contradiction sur des points importants avec la foi catholique. Périodiquement, d’une façon comminatoire, et avec hargne, il fait le procès de l’institution – « La papauté actuelle est un système médiéval, absolutiste. L’Église fonctionne aujourd’hui comme un système totalitaire, c’est un autre Kremlin ! », a-t-il déclaré à L’Express (26 février) – et notamment du « système romain », dont viendrait tout le mal et, surtout, « la crise profonde » dans laquelle l’Église se débattrait. Mais n’est pas Luther qui veut ! Du Réformateur, Küng n’a que les cris de colère sans l’inspiration qui les soutenait ou les intuitions fulgurantes qui ébranlèrent l’Allemagne. Il n’a même pas le sens de la détresse du péché qui faisait écrire à Bernanos que la luxure était une blessure au flanc de notre espèce. A-t-il lu seulement Freud pour stigmatiser « la relation crispée qu’entretient la hiérarchie catholique avec la sexualité » ? En détiendrait-il la formule lumineuse dans ce domaine où la psychologie des profondeurs interdit le triomphalisme et le ridicule des décrispations ? Multiplier les formules à l’emporte-pièce semble le dispenser de parler sérieusement des choses graves. Hans Küng, en une demi-page du Monde (5 mars), reproduite le lendemain dans le quotidien italien La Stampa, accomplit ce prodige de parler de pédophilie, sans dire un mot de ce dont il est censé parler ! Il s’agit de pédophilie ? Mais Küng nous parle du célibat des prêtres sans même songer à établir un instant la démonstration que cette pédophilie serait en relation causale directe avec le célibat. Il affirme, comme s’il s’agissait d’une évidence indiscutable, évoque, pour la forme, quelques éventuelles objections pour mieux asséner sa vérité qui est une authentique contre-vérité : le caractère massif du phénomène dans les institutions catholiques est à mettre en relation indiscutée avec le fait qu’elles sont dirigées par des hommes non-mariés. Et puis il parle d’autre chose, pensant sans aucun doute qu’il sera cru sur parole, sans avoir besoin de produire plus de justifications. Or ces propos ne sont pas seulement infondés, ils sont absurdes. Il est mensonger d’affirmer que la pédophilie aurait un caractère massif uniquement dans les institutions catholiques. Ceux qui connaissent le mieux le dossier savent que ce sont toutes les institutions qui ont été atteintes, plus ou moins gravement, par ce genre de dérives et que la règle du célibat n’est strictement pour rien dans leur ampleur. Les prisons sont peuplées de délinquants sexuels mariés et pères de famille et d’ailleurs l’essentiel des crimes pédophiles est de nature incestueuse. Le mariage des prêtres ne garantirait en rien les institutions catholiques de ce type de délinquance. Marierait-on les célibataires délictueux qu’ils reproduiraient leurs forfaits dans le cadre familial et, bien sûr, le cadre institutionnel. Sans doute Küng a-t-il pressenti le caractère hasardeux de son affirmation, car il se hâte de parler d’abandonner le sujet. Toujours de la même façon polémique, il aborde l’apparition du célibat ecclésiastique dans l’Histoire en scandant ses affirmations que le lecteur est prié de prendre à la lettre, sans qu’il puisse soupçonner le moins du monde la complexité du sujet, dont les historiens débattent depuis longtemps sans parvenir à se mettre d’accord.* « Pierre, ainsi que les autres disciples du Christ, affirme-t-il, ont été mariés tout au long de leur apostolat. Cela a été le cas, de nombreux siècles durant, pour les évêques et les prêtres de paroisse, ce qui, comme chacun sait, se perpétue aujourd’hui dans les Églises d’Orient, y compris chez les uniates restés liés à Rome, et dans l’orthodoxie dans son ensemble, au moins pour ce qui est des prêtres. » Küng est pour le débat, à condition qu’il le monopolise. Tout contradicteur est malvenu et indésirable. Contentons-nous donc sur ce terrain d’informer le public non renseigné que le célibat des prêtres n’est pas une nouveauté du Moyen-Âge et qu’il s’enracine dans une tradition qui se réclame des origines apostoliques. Küng affirme ardemment le contraire pour trancher définitivement : « C’est bien le célibat érigé en règle qui contredit l’Évangile et la tradition du catholicisme primitif. Il convient de l’abroger. » C’est péremptoire et définitif. Tout comme l’affirmation connexe qui veut que la « règle du célibat soit la racine de tous les maux ». Pas moins ! ** Nous sommes dans les slogans et l’idéologie. Hans Küng a toujours été le partisan d’un interventionnisme musclé pour changer l’institution dans le sens qu’il préconise (mariage des prêtres, accession des femmes au sacerdoce, etc.) Interventionnisme verbal, rassurons-nous, car ce grand bourgeois a toujours vécu dans le confort douillet, et même un luxe assez clinquant. Il aime les grosses cylindrées et regardait sans doute avec amusement son collègue Ratzinger se contenter d’une bicyclette dans les rues de Tübingen. Le même Ratzinger qui, analysant ses écrits théologiques, avait trouvé le mot pour définir sa manière : les courbettes ! Küng les a multipliées toute sa vie, croyant être d’avant-garde alors qu’il n’était qu’un banal suiviste de la dernière pluie, jamais en retard d’une mode et d’un conformisme agrémenté de l’aura progressiste. D’évidence, ce n’est pas là l’éthos et l’art des fondateurs et des vrais prophètes : un Ignace de Loyola et un Vincent de Paul. Peut lui chaut. Il est convaincu d’être le génie théologique de son temps même si, à l’épreuve de la durée, il ne subsistera à peu près rien de son œuvre, sauf le souvenir de quelques provocations comme celle-là, gratuites, injurieuses, violentes. Et à côté de la plaque comme toujours. Pourquoi faut-il que Le Monde le mette sans cesse en vedette, sans même qu’une contradiction soit invitée à exposer un autre point de vue. Singulière conception du « débat ». … Lire la suite de HANS KÜNG : L’IMPOSTURE
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